Martine Cabanes, ancienne braqueuse, raconte le grand banditisme des années 70
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Publié le | Mis à jour le
Elle a été la femme de Jean-Charles Willoquet, ennemi public numéro un. L’ancienne braqueuse maintenant épicière retraitée dans l’Indre livre les péripéties de ces années follement dangereuses.
Dans les années 1970, les journalistes me présentaient parfois comme une jeune naïve aveuglée par son amour pour un truand de légende. Pourtant, au moment de monter au braquage, j’étais là et je n’avais peur de rien… »
Martine Cabanes n’avait en réalité rien d’une « jeune naïve ». Elle a épousé Jean-Charles Willoquet, ennemi public numéro un, en parfaite connaissance de cause. « Il m’a demandé une fois après m’avoir tout raconté si je souhaitais rester ou partir. Je n’ai pas hésité un seul instant. J’ai épousé sa vie de gangster », résume-t-elle.
Son amour ne la rend pas aveugle, mais téméraire. Elle a fait la une de la presse nationale et internationale suite à un coup d’éclat invraisemblable. À 24 ans, le 8 juillet 1975, elle débarque au Palais de justice déguisée en avocate. Sous sa robe, deux pistolets et une grenade. Elle libère son mari.
Cette histoire hors-norme, Martine Cabanes la raconte dans un livre, Roman d’une braqueuse, paru le 16 mai 2024 aux éditions XO.
« C’est Jean-Charles qui m’a demandé si je pouvais le faire sortir. Je n’ai pas hésité. Je me suis préparée et le jour J, j’y suis allée d’un pas décidé. C’était ou mourir, ou le retrouver, ou retourner en prison. »
« Le fait d’être avec Jean-Charles m’avait rendu acceptable à leur table. J’ai fait quelques braquages avec eux. Après l’évasion du Palais de justice, les truands m’appelaient la “ femme aux couilles ”. Cette expression, cela ne m’a pas tellement plu. Ce n’est pas très élégant. À l’époque, les femmes n’avaient pas le droit à la parole. Elles étaient tout juste bonnes à faire la cuisine, le ménage et s’occuper des enfants. En prison, les femmes qu’on croisait, c’était des “ petites voleuses de poules ”, des arnaqueuses, des affaires de drogue, de meurtres d’enfants ou de mari. Il n’y avait pas de femmes dans le grand banditisme. »
« Trop. On n’imagine pas ce que c’est que la liberté tant qu’on ne l’a pas perdue. En tout, je suis restée en prison presque cinq ans. En deux fois. »
« J’étais prête à attendre mon mari vingt ans s’il le fallait. Sauf qu’un jour, au parloir, après ma libération, Jean-Charles m’a demandé de le faire évader une deuxième fois. Par hélicoptère. Là, je n’ai même pas réfléchi. Je lui ai dit non. J’avais un enfant et je ne pouvais plus me permettre de risquer ma vie ou de retourner en prison. Après ce non catégorique, nous sommes restés en bons termes, mais il y a eu comme un détachement de ma part. J’ai eu du mal à accepter qu’il me redemande de risquer ma vie alors qu’on avait un enfant. Ma vie appartenait désormais à cet enfant. »
« Ce livre, c’est ma vérité de femme, ma libération »
« Ses vingt premiers mois. Aujourd’hui, il en plaisante en disant qu’il a déjà fait de la prison ! J’étais heureuse de l’avoir avec moi, mais je me sentais coupable. Nous avons ensuite été séparés pendant dix mois, jusqu’à ma libération. Heureusement, c’est mon petit frère qui en avait eu la garde. Il n’avait pas été placé, c’était une consolation. Perdre la liberté et puis la garde de son enfant, j’ai cru que c’était la chose la plus difficile à vivre. Je pensais avoir touché le fond. Jusqu’à la perte de ma fille quand elle allait avoir 20 ans. »
« On essaie. Mon fils me disait toujours qu’il voulait un papa qui l’emmène à l’école. J’ai demandé le divorce. J’ai refait ma vie. Je suis devenue épicière à Saint-Août (dans l’Indre). C’était un rêve d’enfant. Mais bon. J’ai été condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. Quand je suis sortie, j’ai cru que ma peine était purgée. C’était faux. On ne retrouve pas une vie normale en sortant de prison. Les portes pour le boulot ou le logement se ferment, les gens continuent de vous juger. Aujourd’hui, je m’en fous. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai écrit ce livre. Ma vie a été racontée dans tous les sens. Ce livre, c’est ma vérité de femme, ma libération. »
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Christophe COLINET
Journaliste, service des informations générales, Tours