Le Procès du chien, le regard de Lætitia Dosch - Festival de Cannes

Le Procès du chien, le regard de Lætitia Dosch

LE PROCÈS DU CHIEN

En 2017, Lætitia Dosch marquait Un Certain Regard de son empreinte pour son rôle dans Jeune Femme de Léonor Serraille, récompensé de la Caméra d’or. L’actrice franco-suisse est cette année de retour à Cannes à l’affiche du Roman de Jim des frères Larrieu, mais également sous la casquette de réalisatrice de son premier film, Le Procès du chien.

 

Racontez-nous la genèse de votre film.

Je suis préoccupée par la crise écologique et je cherche le rôle que peut y jouer la culture. Au départ, j’avais un désir de spectatrice, voir au cinéma une comédie libre, dérangeante et qui change tout le temps de ton. Mon producteur suisse, Lionel Baier, est venu voir Hate, mon spectacle. En sortant, il m’a dit : « Si tu peux faire ça, alors tu peux réaliser un film. » Et je l’ai cru, même si maintenant, je sais que ça n’a rien à voir. Quelques jours après, on m’a raconté une histoire : le procès du maître d’un chien accusé de morsures répétées qui avait fini par enflammer toute une ville. Les gens avaient fait des pétitions, s’étaient beaucoup impliqués, affrontés. Elle était là, ma comédie : absurde, trouble et soulevant beaucoup de questions.

 

L’atmosphère du tournage ?

C’était un tournage très joyeux, rythmé par une fondue une fois par semaine. Le fait que je joue aussi dans le film faisait un peu troupe de théâtre. C’était comme diriger un concert. Et tous les jours de tribunal, on avait quatre-vingts spectateurs, des figurants super motivés, qui voulaient toujours revenir le lendemain.

 

Une anecdote de plateau ?

Kodi, le chien qui joue Cosmos, ne savait pas hurler comme un loup au début du tournage, ce qui était très important pour le film. Juliette et Manu de Dogtrainer ont dû tester différentes méthodes pour déclencher ça chez lui et celle qui a marché a été d’imiter un chaton. Donc quand vous entendez le chien hurler dans le film, il y a toujours, caché quelque part, un humain qui imite un chaton affamé.

 

 « La règle des trois questions : Que doit-on apprendre du personnage principal dans cette scène ? Que doit-on apprendre d’important pour l‘histoire ? Quelle atmosphère doit avoir cette scène ? »

 

 

Quelques mots sur vos interprètes ?

Nous étions vraiment une troupe. Tous les acteurs présents avaient un goût pour l’humour subversif, excessif, malaisant. Le personnage d’Anne Dorval est une caricature comme peuvent l’être Éric Zemmour, Donald Trump, ces politiques qui forcent le trait, jouent sur la peur. François Damiens adore déstabiliser les gens, il a de nombreuses facettes, c’est un grand acteur, très émouvant aussi. Jean-Pascal Zadi a un naturel déconcertant, quelle que soit la situation. Il est plutôt le boy next door dont tout le monde tombe amoureux, comme Drew Barrymore. Moi, dans le rôle d’Avril, je devais être le fil rouge : en faire moins que les autres acteurs, mais être quand même dans le burlesque.

 

Que vous a appris la réalisation de ce film ?

Je vais tenter de faire une liste :

– Énormément préparer à l‘avance pour pouvoir tout changer au besoin sur le moment.  Tout avait été prédécoupé en préparation, et le week-end, je travaillais les intentions de jeu de chaque personnage.
– S’entourer de collaborateurs généreux, qui sont à votre écoute, mais aussi très créatifs.
– La post-prod est très importante, ce dont je ne me doutais pas : on peut faire, au montage, 45 films différents.
– La règle des trois questions quand on a un doute à n’importe quelle étape : Que doit-on apprendre du personnage principal dans cette scène ? Que doit-on apprendre d’important pour l‘histoire ? Quelle atmosphère doit avoir cette scène ? 

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ? Quelles sont vos influences ?

Le désir part toujours d‘une histoire. J’écris des pièces de théâtre, mais cette histoire nécessitait de passer d’un décor à un autre, il fallait créer un monde, un univers. Ça ne pouvait pas avoir lieu sur scène. Voir Don’t Look Up, d’Adam McKay, a été une révélation pour moi, parce que ça montrait que des personnages très marqués ne sont pas incompatibles avec une histoire vitale, pleine de sens. Aussi, les films de Paul Thomas Anderson, qui arrive à créer des univers très singuliers à chaque film, grâce à sa virtuosité dans la mise en scène, dans l’usage du son et de la musique, dans la connaissance de ses personnages un peu misfits, et des grandes questions qui les traversent.