Le duel, une passion française
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HISTOIRE

Le duel, une passion française

Les Trois Mousquetaires, Le Capitaine Fracasse, Les Pardaillan, Le Bossu… le duel hante à ce point l’imaginaire français qu’il a donné naissance au genre littéraire puis cinématographique, dit de cape et d’épée. Bien plus que d’aventures, cette pratique fut pourtant la source de nombre de tragédies.

Alexandre-Auguste Robineau, Assaut d'armes entre les chevaliers de Saint-George et d'Éon, 1787-1789, Londres, Royal collection Trust.
Alexandre-Auguste Robineau, Assaut d'armes entre les chevaliers de Saint-George et d'Éon, 1787-1789, Londres, Royal collection Trust. © His Majesty King Charles III 2024
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Le terme « duel » vient du latin duellum, forme ancienne de bellum, qui signifie guerre ou combat. S’il désigne depuis la Renaissance un combat singulier, c’est par rapprochement avec un autre mot latin, dualis, qu’on retrouve dans l’anglais dual et le français double. Cette origine martiale nous ramène en fait aux grands duels de l’Antiquité, celui d’Achille et d’Hector, par exemple, où le combat des chefs vaut autant, à l’échelle symbolique, que celui des armées.

Au Moyen Âge, cette vision héroïque cède le pas au sacré. Le duel est vu comme une forme d’ordalie bilatérale, un jugement de Dieu qui permet de substituer la justice des hommes par un châtiment divin. Cette coutume est remise en cause avec le duel de Jean de Carrouges et de Jacques le Gris, le 20 décembre 1386 à Paris. Le premier a accusé le second d’avoir outragé son épouse et blesse son adversaire en combat singulier devant de nombreux témoins dont le roi Charles VI. Le vaincu est achevé par pendaison.

Du jugement de Dieu au combat pour l’honneur

À cette époque, déjà, cette procédure est suffisamment exceptionnelle pour que le chroniqueur Froissart relate l’événement en détail. Une autre source évoque quant à elle l’innocence de Jacques le Gris sur la base d’aveux qu’auraient émis quelques années plus tard un écuyer. En 1547 a lieu le dernier duel judiciaire entre Guy Chabot de Jarnac et François de Vivonne au château de Saint-Germain-en-Laye. La dimension religieuse est absente, mais le combat est autorisé par le roi.

Jarnac, qui a voulu cette rencontre, est donné perdant face à un bretteur réputé. Ce dernier a d’ailleurs préparé un banquet pour fêter sa victoire. Il est cependant défait grâce à un coup habile porté au jarret, que son adversaire tient d’un maître d’escrime italien. Le coup de Jarnac devient ainsi proverbialement un synonyme d’habileté, avant que les jésuites ne lui donnent le sens de traîtrise qu’on lui connaît aujourd’hui, sans doute parce que Jarnac était protestant.

18. Nicola Noël Broutet, Coffret de pistolets attribués à Fournier-Sarlovèze, Paris, musée de l'Armée©
Nicola Noël Broutet, Coffret de pistolets attribués à Fournier-Sarlovèze, Paris, musée de l'Armée. © _Paris - Musée de l'Armée, Dist. GrandPalaisRmn_Émilie Cambier

Au tournant des XVIe et XVIIe siècles, alors que le pouvoir central s’affermit, la noblesse le défie en réglant ses comptes dans des duels d’honneur. Pendant près de vingt ans, on dénombre quelque deux morts par jour, le record étant atteint en 1607 avec 4 000 tués. Des édits d’interdiction sont proclamés, d’autant plus inefficaces que le roi Henri IV signe des lettres de grâce par milliers. Le ton se durcit avec Richelieu dont un frère est mort en duel. 

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Une pratique aristocratique et frondeuse adoptée par la bourgeoisie

En 1626, il promet la peine capitale aux duellistes surpris avec des seconds. Passe encore qu’on se croise le fer, mais pas dans des batailles rangées ! L’année suivante, François de Montmorency-Bouteville, un multirécidiviste de 26 ans – il en est à son vingt-deuxième duel – choisit de se battre en plein jour, place Royale, en entraînant à ses côtés un compagnon et son écuyer.

Un de leurs adversaires est tué pendant la rencontre, les autres cessent le combat et courent se réfugier en Angleterre. Montmorency-Bouteville et son compère ont moins de chance. Embastillés, ils sont décapités sur ordre du Parlement de Paris. Louis XIII a refusé la grâce.

15. Masque de duel olympique au pistolet, vers 1908, Paris, musée de l'Armée©
Masque de duel olympique au pistolet, vers 1908, Paris, musée de l'Armée. © _Paris - Musée de l'Armée, Dist. GrandPalaisRmn_Anne-Sylvaine Marre-Noël

Au XVII siècle encore, parmi les duellistes célèbres, on trouve une femme, Julie d’Aubigny, connue sous le nom de Mademoiselle de Maupin, actrice et cantatrice, bisexuelle aussi ouvertement qu’on pouvait l’être en son temps. Au siècle suivant, c’est habillé en femme que le chevalier d’Éon blesse par sept fois en duel le chevalier de Saint-George.

Durant la Révolution et plus encore au XIXe siècle, la pratique du duel s’étend à la bourgeoisie et aux intellectuels. En Russie, les écrivains Pouchkine et Lermontov y perdent la vie, comme en France un jeune journaliste prometteur, Armand Carrel. On se bat aussi au pistolet, une arme que l’on doit pointer sans viser son adversaire, sans quoi il y aurait intention de tuer.

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Du duel à l’escrime

En Allemagne, la Mensur se pratique avec des sabres à cloche et les cicatrices qu’ils laissent sur les visages font la fierté des étudiants. Il n’est plus, dès lors, question de tuer ou de vaincre, mais de montrer son courage et son indifférence à la douleur. L’escrime devient un sport dont la langue officielle est le français même si les écoles italiennes et hongroises restent très réputées.

Lors des Jeux olympiques de Londres en 1908, le duel au pistolet – avec des balles en cire, non létales, et les protections nécessaires – est présenté comme événement associé, sans médailles. L’origine en est là aussi française, comme les combats de canne, dérivés de l’escrime, qui, eux, sont toujours pratiqués et forment une discipline associée à la boxe française.

Les duels qu’on voit dans les westerns n’ont pratiquement existé que dans les films. Les différends se réglaient sans règles précises dans la réalité. En Europe cependant, et en France en particulier, on continue à croiser le fer sporadiquement pendant une bonne partie du XXe siècle. Le dernier duel à l’épée a lieu en 1967 et implique un futur ministre de l’Intérieur socialiste, le député Gaston Defferre.


À voir jusqu’au 18 août 2024 au musée de l’Armée à Paris : l’exposition « Duels. L’art du combat ».

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