Éloge de Richard Thompson, lumineux virtuose de la guitare folk, jazz et rock’n’roll

Éloge de Richard Thompson, lumineux virtuose de la guitare folk, jazz et rock’n’roll

Richard Thompson en concert en 2017 ©Getty - Paul Morigi
Richard Thompson en concert en 2017 ©Getty - Paul Morigi
Richard Thompson en concert en 2017 ©Getty - Paul Morigi
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Ce soir, nous avons rendez-vous avec un musicien, un guitariste d’exception, mais bien plus encore, qui accompagne ma vie depuis plus d’un demi-siècle. Alors forcément, ça crée des liens.

« The Calvary Cross », la croix du calvaire, une chanson qui remonte il y a tout juste cinquante ans, 1974, l’année où je l’ai découverte, à l’âge de quinze ans, ça date. Elle figurait dans un album qui venait tout juste de sortir, intitulé I Want to See the Bright Lights Tonight, signé par Richard et Linda Thompson. Richard Thompson, un musicien qui n’avait rien d’un inconnu pour moi, puisqu’il avait fait partie d’un groupe qui s’appelait Fairport Convention, pour lequel j’ai eu, enfant, une sorte de fascination très précoce. En particulier pour un album qui s’appelait Liege and Lief et que mon grand frère avait acheté en import anglais. C’était différent de tout ce que j’entendais. Déjà, ça ne passait pas à la radio.

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Pour dire les choses simplement, chez Fairport Convention, il y avait quelque chose des mélodies traditionnelles, folkloriques, qui avaient bercé mon enfance, je me rappelle en particulier un petit disque qui s’appelait Rondes et chansons de France, que mon père nous avait acheté, dans lequel il y avait de très vieilles chansons comme « Auprès de ma blonde », « À la claire fontaine » ou « Bon voyage, Monsieur Dumollet ». On avait un disque de chansons bretonnes qui m’envoûtaient comme Fleur de blé noir. Eh bien, Fairport Convention, pour moi, ça a été la rencontre de ça avec ce qu’on appelait alors la pop music, les Beatles, les Stones, Bob Dylan, tout ça, et qui, bien des gamins de mon âge, me surexcitait parce que ça semblait venir d’un tout autre monde complètement inconnu. Eh bien, Fairport Convention, ça a été la rencontre des deux, la rencontre du familier, du traditionnel et du nouveau. Certains ont appelé ça le folk-rock, c’est une étiquette qui n’a pas trop duré.

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Fairport Convention était un groupe anglais, qui s’était formé à Londres. En fait, je l’apprendrais par la suite, le mouvement était né aux États-Unis, à Los Angeles. Au milieu des années 60, un groupe qui s’appelait les Byrds, avec un y, avait eu le premier l’idée d’interpréter de vieilles chansons traditionnelles, lamentations ancestrales ou éternelles révoltes, dans le style des Beatles et des groupes de l’invasion britannique. Eh bien Fairport Convention a fait pareil mais en allant chercher plus loin encore dans le passé. Cela dit, le modèle de Fairport, bien plus que les Byrds, ça a été le premier album du groupe The Band, Music from a Big Pink, d’excellents musiciens capables de réinventer toutes les traditions américaines. En tout cas, c’était logique pour ces musiciens londoniens de vouloir réinventer les traditions à leur manière, les îles britanniques et la très vieille Europe en général étaient parcourues depuis longtemps par ces histoires très anciennes qui avaient traversé l’Atlantique avec les populations qui avaient émigré là-bas. Entre parenthèses, on a connu le même phénomène en France dès la fin des années 60 grâce à des musiciens comme Alan Stivell, un des plus populaires de la période, ou le groupe Malicorne.

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Les musiciens qui composaient Fairport Convention étaient excellents mais deux sortaient du lot. La chanteuse Sandy Denny, une des plus belles voix de la période, prématurément disparue à la fin des années 70, et le guitariste et chanteur Richard Thompson, toujours là, et bien là, à soixante-quinze ans, puisqu’on vient de l’accueillir, pas plus tard que tout à l’heure, dans nos studios avec sa guitare. Vous pourrez l’entendre live dans une très prochaine émission, la date n’est pas encore programmée, ce sera sans doute au mois de juin. Et avant ça, justement, eh bien je tenais absolument à ce que vous fassiez connaissance avec lui. Vous avez entendu ces notes de guitare vibrantes et plaintives, évoquant presque le son d’une cornemuse, au début de la chanson qui nous a servi d’entrée en matière, « The Calvary Cross ».

Un professionnel américain qui s’appelait Joe Boyd, envoyé de New York à Londres, à la grande époque, pour y chercher de jeunes talents, l’homme qui a découvert Pink Floyd et Nick Drake, a la mâchoire qui s’est décrochée quand il a vu et surtout entendu Richard Thompson, un gamin de dix-sept ans, à la tignasse frisée ébouriffée, se lancer dans un solo de guitare électrique. Sur une reprise de « East West » du Paul Butterfield Blues Band, un des premiers sommets du blues psychédélique aux États-Unis. Voici ce qu’écrit Joe Boyd dans son excellent livre de mémoires White Bicycles, publié en français chez l’éditeur Allia : « Richard Thompson évoquait par son jeu le bourdon propre aux joueurs de cornemuse écossais et aussi la mélodie des chantres d’église. On percevait aussi l’écho de guitaristes comme Barney Kessell ou James Burton ou encore du piano de Jerry Lee Lewis. Mais il n’y avait aucun des clichés du blues dans son jeu : tout comme Bix Beiderbecke ou Django Reinhardt, il ne cherchait pas à cacher le fait qu’il était blanc ».

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On va écouter Richard Thompson jouer et chanter aussi pendant cette heure de Very God Trip sur France Inter. Je me devais néanmoins de vous faire entendre la voix de celle qui éveilla son ambition d’artiste et l’encouragea à composer des chansons, Sandy Denny. Que je vous propose d’écouter dans un des sommets de Fairport Convention, « Crazy Man Michael », c’est dans l’album Liege and Lief, paru à la fin de l’année 1969, pour vous donner une idée, au même moment que Abbey Road des Beatles, In the Court of the Crimson King de King Crimson ou Ummagumma de Pink Floyd.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

53 min

Playlist :

Richard & Linda Thompson - « The Calvary Cross » album « I Want to See the Bright Lights Tonight »

Richard Thompson - « Genesis Hall » album « Acoustic Classics II »

Fairport Convention - « Sloth » album « Full House »

Richard & Linda Thompson :

« I Want to See the Bright Lights Tonight » album « I Want to See the Bright Lights Tonight »

« Down Where the Drunkards Roll » album « I Want to See the Bright Lights Tonight »

« Shoot Out the Lights » album « Shoot Out the Lights »

Richard Thompson :

« Al Bowlly’s in Heaven » album « Daring Adventures »

« The Way That It Shows » album « Mirror Blue »

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