Critique essais : "Mélancolie de l'Europe", un recueil de Stefan Zweig en forme de plaidoyer pour la paix

Critique essais : "Mélancolie de l'Europe", un recueil de Stefan Zweig en forme de plaidoyer pour la paix

Vienne en Autriche, d'où est originaire Stefan Zweig ©Getty - ©Nastasic
Vienne en Autriche, d'où est originaire Stefan Zweig ©Getty - ©Nastasic
Vienne en Autriche, d'où est originaire Stefan Zweig ©Getty - ©Nastasic
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Au menu : des essais ! On remonte le temps dans l'Europe du 20e siècle avec "Mélancolie de l'Europe", un inédit de Stefan Zweig, et on se penche sur les récits de transfuges de classe avec "Trahir et venger : paradoxes des récits de transfuges de classe" de Laélia Véron et Karine Abiven.

Avec
  • Sarah Al-Matary Maîtresse de conférences en littérature à l'université Lyon 2, membre de l'Institut universitaire de France et du laboratoire IHRIM
  • Marie Boëton Journaliste à La Croix

Place à la critique et place aujourd'hui à deux essais qui chacun résonne avec l'actualité.

"Mélancolie de l'Europe" de Stefan Zweig

Publié dans la collection "Feux Croisés" des éditions Plon, traduit par Guillaume Ollendorff, David Sanson et Bertrand Dermoncourt

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Ce recueil regroupe 16 textes écrits entre 1909 et 1941, dont la plupart sont inédits en français ou donnent à lire une nouvelle traduction. Publiés à l’origine dans la presse germanophone, ces œuvres – articles, manifeste, conférence – retracent le cheminement intellectuel d’un humaniste qui, au fil d’une actualité tragique, va se doubler d’un pacifiste de plus en plus en convaincu. Zweig s’y fait le chroniqueur d’une époque de fièvres et de menaces.

Ce livre présente certaines facettes peu connues de son auteur, qui, après quelques errements nationalistes, s’est engagé de plus en plus intensément en faveur de la paix, sous l’influence de son ami Romain Rolland. On y trouve ainsi une fiction documentaire sur la signature du traité de Versailles, un essai visionnaire sur l’uniformisation des villes européennes et quantité de réflexions sur l’histoire mouvementée du continent ainsi que sur les possibilités de son unification. À ce titre, un texte comme La Désintoxication morale de l’Europe préfigure de manière étonnante ce que pourrait être une Union européenne fondée sur l’amitié entre les peuples et nourrie de 2 000 ans de culture commune.

L'avis des critiques :

  • Sarah Al-Matary a d'emblée été intéressée par cet ouvrage : "j'ai trouvé le recueil très représentatif de cet entre-deux siècles où l'on voit comment la Grande Guerre a marqué un tournant".
    Dans cet ouvrage, guerre et paix sont passées au crible de l'auteur : "la paix qu'il appelle de ses vœux dépend de la conjecture et suggère de nouvelles manières de raconter l'histoire des guerres".
  • Marie Boëton a d'abord été gênée dans sa lecture, avant d'être finalement séduite : "j'ai été embêtée par son rapport à la politique, je pense qu'il rate quelque chose de fondamental qui est la politique au sens du compromis, des rapports de force, de la psychologie des foules, au profit de la pure théorie". 
    Quelle posture adopte l'auteur ? "Il déplore la monopolisation du monde et en même temps, il est le premier à défendre le cosmopolitisme."
Affaire à suivre
6 min

"Trahir et venger : paradoxes des récits de transfuges de classe" de Laélia Véron

Avec Karine Abiven, dans la collection "Cahiers libres" des éditions La Découverte

Les récits de transfuges de classe – c'est-à-dire des personnes ayant connu une forte mobilité sociale, souvent ascendante – se sont multipliés ces dernières années, dans de divers domaines (littéraire, sociologique, politique, médiatique) et sur des supports variés (livres, journaux, réseaux sociaux). Comment expliquer un tel succès ? C'est que le récit de transfuge traite aussi bien d'enjeux collectifs (la place des classes populaires, les injustices et les possibilités de réparations sociales) que d'enjeux personnels (le parcours de vie singulier, l'identité fractionnée, l'acceptation de soi), dans une perspective souvent présentée comme politique.

Peut-on à la fois trahir les siens, en changeant de classe, en adoptant d'autres valeurs, voire une autre identité, tout en prétendant les venger, en leur offrant un espace de représentation, en leur rendant une parole publique dont ils et elles sont privées ? Tel est le principal paradoxe du discours de transfuge qui prétend porter une parole populaire, mais qui peut être accusé de la confisquer. En adoptant les outils de l'analyse du discours, ce livre interroge les ambitions du récit de transfuge de classe. Est-il un contre-récit, qui s'oppose aux récits dominants, ou bien est-il devenu, malgré lui, un récit mythique, récupéré par le storytelling médiatique et politique libéral ?

L'avis des critiques :

  • Sarah Al-Matary a apprécié ce livre : "les autrices donnent une grande place à l'analyse littéraire, c'est un livre qui m'a paru malin".
    De "la mode" des récits de transfuge dont l'expression s'est banalisée, notre critique a trouvé intéressant la manière dont s'en saisit l'ouvrage : "cette réaction est transformée en réflexion, sans épargner les grands noms et toujours de manière documentée et nuancée".
    La seule ombre au tableau qu'elle pointe est "que le livre ne se rapproche pas plus de l'essai".
  • Marie Boëton a trouvé cet ouvrage prenant : "la posture de départ est intéressante, tout comme la manière de dire qu'il y a une dimension discursive, l'aborder sous cet angle m'a paru très original".
    Parmi les différents aspects qu'elle a trouvés saillants, elle note : "les autrices parlent de la récupération politique du terme de 'transfuges' et ce, aussi bien par la gauche que par la droite".
France Culture va plus loin le samedi
42 min

Extraits sonores :

  • Lecture par Stefan Zweig de son poème Hymnus an die Reise en 1933
  • Extrait du film Stefan Zweig Adieu l'Europe en 2015
  • Archive d'Annie Ernaux dans l'émission Par les temps qui courent le 6 octobre 2022
  • Chanson Aller plus haut de Tina Arena

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