À quelques mois des jeux Paralympiques de Paris, la démocratisation du sport ne concerne pas encore tout le monde. Pour les enfants et les adolescents en situation de handicap, l’accès à une activité physique demeure compliqué.
C’est une tendance qui passe inaperçue mais dont l’ampleur est révélatrice. À chaque édition des jeux Paralympiques, la délégation française est composée d’une importante majorité d’anciens valides ayant connu un accident de la vie et qui se sont reconstruits grâce au sport. Pourtant, dans la population, la grande majorité des personnes en situation de handicap le sont de naissance. L’équipe de France de para-athlétisme qui dispute, à partir du 17 mai, les championnats du monde au Japon et tentera de briguer de précieux sésames pour les Jeux de Paris 2024, n’échappe pas à cette tendance.
C’est ainsi, dans l’Hexagone, le sport reste encore un luxe pour les enfants et les jeunes en situation de handicap. Pour Laura et son fils Paul (les prénoms ont été modifiés – NDLR), handicapé de naissance, activité sportive n’a pas toujours rimé avec plaisir. « Le sport, ça n’a jamais été simple pour lui. À l’école, il n’y avait aucune adaptation et il a donc été obligé d’en être dispensé. C’était très dur pour lui, mon fils pleurait tous les matins, explique la mère de famille. À partir de la 6e, on a dû trouver un éducateur à domicile, puisque aucun club du département n’était prêt à l’accueillir. Mais cela coûte très cher, et toutes les familles ne peuvent pas se le permettre. »
L’accessibilité et le coût restent des freins
Cette situation, des milliers de jeunes et de familles la vivent au quotidien. Parmi les obstacles, le coût élevé de l’achat de matériel constitue la première barrière. Un fauteuil roulant adapté au sport revient en moyenne entre 2 000 et 6 000 euros, sans prendre en compte l’entretien, qui se chiffre lui aussi à plusieurs centaines d’euros.
Quant aux prothèses, la Sécurité sociale rembourse celles d’entrée de gamme mais pour des systèmes plus sophistiqués, voire sur mesure pour pratiquer un sport et dont le montant peut grimper jusqu’à environ 10 000 euros, les familles doivent mettre la main au portefeuille. « Il y a aussi des parents qui n’ont pas forcément de véhicule adapté à leur enfant en fauteuil manuel ou électrique, car cela représente un investissement important, rapporte un éducateur sportif spécialisé. Au niveau des aides, ça reste aussi très limité. »
Pour beaucoup de familles, la pratique sportive est également associée à la difficulté de trouver un club et de s’y rendre. L’offre adaptée reste encore très largement insuffisante sur l’ensemble du territoire. En 2023, seulement 1,4 % des clubs dans l’Hexagone se disaient en capacité d’accueillir des sportifs handicapés alors que, selon l’Insee, plus de 12 millions de Français sont en situation de handicap.
Pour pratiquer un sport qui lui convient, une personne handicapée doit parcourir en moyenne 50 kilomètres. Un inconvénient supplémentaire qui dissuade nombre de familles. « Le transport reste l’un des freins majeurs. Des jeunes doivent parfois effectuer plusieurs dizaines de kilomètres pour rejoindre un club, faute d’offre suffisante », confirme Cécile Touzalin, référente jeunes à la Fédération française handisport.
Un problème que souligne également Serge Mabally, administrateur à l’APF France Handicap : « Quand on parle de l’accessibilité, on parle aussi de la chaîne de déplacement. Vais-je trouver un bus ou un train pour m’y rendre avec un matériel adapté et qui fonctionne correctement ? Ou bien ma ligne de métro aura-t-elle un ascenseur ? Tous ces éléments sont finalement source d’angoisse pour les jeunes et leur famille », qui souvent finissent par renoncer.
Pour constituer un réseau de clubs adaptés sur l’ensemble du territoire alors que les Jeux approchent, le Comité paralympique et sportif français (CPSF), avec les fédérations françaises handisport (FFH) et du sport adapté (FFSA), a décidé de sensibiliser les associations sportives au moyen d’un programme inclusif avec pour objectif de les inciter tout en les accompagnant. Financé par le ministère des Sports, le CPSF et les collectivités locales, le programme de chaque session est gratuit.
« C’est encore trop une question de chance, et non une organisation systémique et un maillage de proximité, qui rend la pratique possible », reconnaît Marie-Amélie Le Fur, présidente du CPSF. L’objectif pour la saison 2024-2025 est d’avoir formé 3 000 nouveaux clubs. » Le 15 avril, le CPSF indiquait que le cap symbolique des 1 000 clubs sensibilisés avait déjà été franchi. Un travail de communication sera aussi entrepris par les acteurs du parasport afin d’informer les potentiels pratiquants des offres disponibles.
Une médiatisation insuffisante
Le handisport reste également sous-représenté dans les médias, laissant de nombreux enfants et jeunes handicapés sans modèles d’identification. « Il faut des figures pour que les plus jeunes et les adolescents puissent s’identifier à une discipline, souligne Yacine-Xavier Tajri, chercheur et maître de conférences à l’université Gustave-Eiffel. Mais force est de constater qu’il y a finalement très peu de parasportifs de haut niveau identifiables dans les médias ou sur les réseaux sociaux. »
Une absence que déplore Jean Minier, directeur des sports au CPSF. « Les grands médias, notamment audiovisuels, ont sans doute un peu de retard à l’allumage dans la préparation des Jeux de Paris, ainsi que sur la mise en avant des champions et des championnes paralympiques », déplore-t-il.
Au final, cette difficulté d’accès à la pratique sportive pèse sur le bien-être des enfants et des jeunes en situation de handicap car le sport renforce la mobilité en développant les capacités motrices et musculaires qui vont les aider à mieux vivre au quotidien. « Lorsqu’on renonce à une activité sportive, même si c’est juste un arrêt de quelques semaines, on le ressent physiquement. Et on va ensuite solliciter un peu plus son kiné ou son médecin », prévient Serge Mabally.
L’activité physique apporte aussi des bienfaits psychologiques et le club, on l’oublie trop souvent, demeure un lieu de socialisation extraordinaire. « Le sport rend notre fils plus heureux au quotidien, témoigne un parent. Lorsqu’il fait ses séances, il rigole, il s’amuse. Il n’a plus de stress ou de coups de blues, il est beaucoup mieux dans ses baskets. » Ce n’est pas Mattéo, un jeune adolescent qui pratique le basket fauteuil, qui dira le contraire : « Faire du sport, c’est super important pour moi, ça me permet de partager des moments avec mes amis, raconte-t-il. Je me sens mieux dans ma tête mais aussi dans mon corps. »
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