Union européenne à 35 pays : un élargissement naturel et géopolitique mais pas sans risque
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Publié le | Mis à jour le
Huit pays européens sont aujourd’hui activement candidats à une intégration dans l’Union européenne, et deux candidatures sont en attente. Les défis agricoles, économiques et de souveraineté mais surtout la guerre en Ukraine ont rebattu les cartes.
Les négociations avec la Turquie sont suspendues depuis plusieurs années. La candidature du Kosovo n’a pas encore été acceptée par les 27 États membres. Mais la liste des pays entrés de manière effective dans la procédure d’adhésion à l’Union européenne (UE) pourrait potentiellement faire monter jusqu’à 35 le nombre d’États membres dans les prochaines années.
L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine sont officiellement candidats à l’entrée dans l’UE.
Ce total est pour le moment très hypothétique car il repose sur un long chemin. Et malgré les promesses faites à certaines capitales rien n’est totalement acquis.
Établir de nouvelles connexions vers l’Asie
Mais pour Teona Lavrelashvili, « senior fellow » (chercheuse principale) à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et spécialiste de ces questions, l’élargissement de l’UE « est une stratégie naturelle et logique ». La guerre en Ukraine a ajouté à cette problématique une notion « géostratégique » nouvelle avec les candidatures récentes de l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie.
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Dans l’absolu, les avantages que pourrait tirer l’UE sont évidents : « plus d’influence géopolitique, économique et stratégique » sur le plan régional et mondial.
Cela permettrait aussi, dans un monde devenu plus incertain, de « contribuer à asseoir la souveraineté de l’Europe » avec de nouvelles connexions vers l’Asie ou d’unifier les efforts sur le Continent pour faire face aux défis de la transition énergétique. En intégrant ces pays, on fait en sorte aussi qu’ils ne se tournent pas vers d’autres puissances régionales.
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Pour autant, Teona Lavrelashvili y voit aussi des dangers en cas d’entrées rapides et mal préparées. Si ces candidats doivent des garanties démocratiques et adopter des valeurs communes à l’esprit fondateur de l’UE, des questions très pratiques vont vite se poser. « Cela ne semble pas possible d’avoir 35 commissaires européens », chacun de nationalité différente, pointe-t-elle. Surtout avec des dossiers qui ont infiniment plus de poids, comme l’agriculture, que d’autres.
Discuter d’éventuels changements de traités ferait courir le risque « d’ouvrir la boîte de Pandore » avec la tentation pour certains états de chercher à tirer profit des évolutions à leur compte.
L’UE a-t-elle les moyens de son ambition ?
Surtout, elle se demande si l’UE a vraiment les moyens de son ambition. Cela passera indéniablement par une augmentation de son budget si elle veut en tant qu’institution être « une vraie puissance régionale. Il faut être pragmatique et réaliste, s’il n’y a pas l’investissement nécessaire dans le secteur de la sécurité, alors ça va être compliqué réussir l’élargissement ».
Elle pointe également des incertitudes : l’élection présidentielle aux États-Unis tout autant que les résultats des élections européennes. Si l’extrême droite confirme sa percée au Parlement et dans d’autres gouvernements européens cela pèsera sur les institutions européennes. « On ne sait pas aussi quels seront à terme les rapports avec la Russie une fois la guerre en Ukraine terminée », note-t-elle aussi.
« L’Europe doit s’élargir », insiste cependant Teona Lavrelashvili mais elle pointe les écarts entre les « promesses exagérées » de certains dirigeants européens, faites à l’Ukraine notamment, et la réalité du processus. Susceptible aussi de nourrir les frustrations. « Il s’agit d’un temps long et on doit le comprendre, martèle-t-elle. Il ne suffit pas de signer un papier pour être membre de l’Union européenne. » Il faut accompagner les états candidats à se réformer, à s’approcher des standards de l’UE. « Il y a un travail de préparation des peuples aussi. Si vous envisagez un élargissement mal préparé, vous ne renforcerez pas l’Europe, vous ferez le contraire », prévient-elle.
Une des pistes serait d’avancer pas à pas. Elle juge pertinente l’initiative d’Emmanuel Macron de créer une Communauté politique européenne.
Cette organisation lancée en 2022 qui compte 47 pays, vise à renforcer les liens entre l’UE et ceux qui partagent ses valeurs sans en être membres. « On n’est pas dans l’intégration totale dans l’UE, mais on est dans des partenariats rapprochés et privilégiés qui peuvent préparer une éventuelle entrée. » À condition d’y aborder « les questions difficiles » et qu’elle serve aussi à établir des « positions coordonnées » au niveau continental.
élections européennes 2024
Le scrutin se tient le 9 juin 2024 et doit permettre d’élire les 720 eurodéputés du parlement européen. À partir de cette année, 81 élus représenteront la France au Parlement européen. Ils étaient 79 lors du précédent mandat.
Chaque parti ayant rassemblé plus de 5 % des suffrages se voit attribuer un nombre de sièges proportionnel à leur classement électoral.
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Olivier PIROT
Journaliste, service des informations générales, Tours