"Nous sommes retombés amoureux après avoir divorcé, nous en avions besoin"

Léonie rencontre Vivian à l'université. Encore étudiants, ils décident de se marier et de fonder une famille. Mais leur quotidien surchargé ne laisse plus de place au couple.

"Nous sommes retombés amoureux après avoir divorcé, nous en avions besoin"
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J'ai rencontré Vivian lorsque j'étais en fac de psychologie. Lui, suivait des cours de sociologie. Partageant le même plaisir pour les débats à n'en plus finir, nous sommes très rapidement devenus proches. En quelques semaines, nous sommes tombés amoureux. Et deux ans plus tard, nous étions mariés, alors que nous étions encore étudiants. C'était des années pleines d'insouciance et d'utopie. Nous passions nos journées à apprendre et partagions nos soirées à refaire le monde, sortir avec nos amis et faire l'amour. Tout était fluide et simple, d'une grande légèreté. En plus des souvenirs impérissables, la fac m'a permis de découvrir ma vocation. Je suis devenue thérapeute familiale et conjugale, un métier qui me comble encore aujourd'hui. Pour Vivian, les choses étaient moins évidentes. Il s'est lancé dans une thèse de sociologie, mais n'étant pas subventionné, il devait travailler dans un tout autre domaine pour gagner de l'argent. Le rythme était très difficile à tenir, mais nous étions toujours aussi amoureux. J'avais beaucoup d'admiration pour sa passion et sa détermination.

La surprise d'un heureux événement... ou plutôt de deux

Alors qu'il lui restait encore deux bonnes années de thèse, je suis tombée enceinte. Ce n'était pas prévu, mais Vivian était persuadé que nous serions de fabuleux parents. De mon côté, je doutais un peu plus, je me sentais jeune et je n'étais pas certaine de pouvoir assumer autant de responsabilités. Après quelques jours d'hésitation, nous avons finalement vécu cet événement comme un cadeau. Nous avions conscience que ce ne serait pas facile. Pour autant, nous accueillerons ce bébé et ferions tout pour qu'il soit le plus heureux du monde. Ma grossesse se déroula plutôt bien, mais en cours de route, nous avons appris que je n'attendais pas un, mais deux enfants. Une nouvelle qui suscita autant de joie que d'anxiété. Je n'avais que 25 ans et je n'étais pas sûre d'être prête. Mon accouchement fut assez long et douloureux, mais le pire était à venir. Les jours suivants, je sombrais dans un énorme babyblues. J'avais l'impression d'avoir fait la plus grosse erreur de ma vie. Lorsque je tenais Rose et Louise dans mes bras, je me demandais comment j'allais réussir à m'occuper de ces petits êtres fragiles.

Afin de remplir son rôle de père et d'être présent en tant que conjoint, Vivian a dû mettre sa thèse de côté. Pendant des mois, il s'occupait de Rose et de Louise, tout en travaillant de longues heures pour que les filles ne manquent de rien. A l'époque, les congés paternités n'étaient pas aussi longs qu'aujourd'hui, nous n'avions pas trop le choix. En parallèle, je prenais doucement mes marques en tant que mère et je comprenais au fil du temps la puissance de l'amour maternel.

"Un couple déplorable"

Malheureusement, cette période est venue entacher notre relation amoureuse, à Vivian et moi. Au bout de deux ans, Vivian a repris sa thèse, j'ai recommencé à travailler à temps plein. Nous avions un semblant d'équilibre familial, mais nos journées étaient remplies à ras bord, nos plannings réfléchis à la minute près. Débordés par le quotidien, nous n'avions plus aucun moment pour nous retrouver. Les colères, les pleurs, les rendez-vous médicaux, l'école… Avoir un enfant, ça peut être difficile. Avoir des jumelles, c'est 15 fois plus challengeant. Mais même si nous n'avions pas une minute à nous, nous étions aussi des parents comblés. Les filles nous apportaient tellement de joie que les semaines défilaient à une vitesse folle.

Le problème, c'est que ma relation avec Vivian allait de plus en plus mal. C'était un comble, pour moi qui aidais chaque jour d'autres couples à résoudre leurs problèmes… J'avais beau observer les schémas dans lesquels nous étions enfermés, je n'arrivais pas à en sortir. Et il était impensable de trouver le temps pour faire une thérapie de couple. Nous étions une très bonne équipe pour les jumelles, mais nous étions aussi devenus un couple déplorable. Nous ne faisions plus l'amour, nous n'avions plus d'activité ensemble et les derniers mois, nous avions même du mal à nous parler sans hausser le ton. 

Une rupture inévitable

L'année des 7 ans des filles, nous avons rompu. C'était devenu trop difficile de cohabiter. Nous avons divorcé avec intelligence, sans chercher à nous faire de mal. Du reste, nous ne communiquions pas. Durant cette période, Vivian ne me manquait pas. J'avais même l'impression d'être soulagée, comme si je reprenais enfin ma vie en main. C'est au cours d'un travail personnel que je compris ce qui s'était joué dans ma relation avec lui. Malgré l'immense amour que je portais aux filles, j'en voulais à Vivian de m'avoir convaincue d'avoir des enfants aussi jeune. Sur le coup, ce fut très difficile à encaisser, d'autant que je culpabilisais vis-à-vis de mes enfants, que j'aimais tant. Mais je sentais aussi qu'il fallait que j'en parle à Vivian, que nous puissions discuter de toutes ces choses que nous ne nous étions jamais dites.

"Vous êtes trop beaux, quand vous êtes amoureux !"

Je l'ai appelé et il m'a rapidement dit qu'il hésitait à faire de même, depuis des semaines. Nous avons décidé de nous voir quelques jours plus tard. Ce fut un moment très fort, nous avons discuté pendant plus de 6 heures. Lui aussi, avait avancé et compris beaucoup de choses. Il avait réalisé qu'il m'en avait voulu d'avoir dû arrêter sa thèse pour élever les filles. Il était tout aussi désolé que moi, s'en voulait tout autant. Pour la première fois depuis presque 10 ans, nous nous sommes retrouvés.

Nous avons longuement hésité avant de redémarrer notre histoire. Nous avions peur de chambouler Rose et Louise. Une séparation peut s'avérer difficile, mais voir ses parents se remettre ensemble, c'est encore plus déstabilisant. Les premiers mois, nous avons enfin entamé cette thérapie de couple, que nous devions faire depuis des années. Nous y sommes allés doucement, sans pour autant le cacher aux filles. Mais nos craintes se sont bien vite dissipées. Notre osmose était évidente, même les jumelles nous le faisaient remarquer. Je me souviens de Louise nous dire, tout sourire : "Vous êtes trop beaux, quand vous êtes amoureux !" Aujourd'hui, ça fait 6 ans que nous nous sommes remis ensemble. Et même si nous avons vécu des périodes compliquées, je ne regrette rien. Car paradoxalement, je crois que nous avions besoin de divorcer pour retomber amoureux !