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Commentaire: le jour où la mort a débarqué dans nos salons

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Formule 1Commentaire: le jour où la mort a débarqué dans nos salons

À l’occasion du Grand Prix d’Imola, où Ayrton Senna a trouvé la mort voici trente années de cela, hommage à un pilote qui est mort pour mieux devenir éternel.

Florian Müller
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Florian Müller
Ayrton Senna, icône des paddocks, reste considéré 30 ans après sa mort comme un des plus grands pilotes de tous les temps.

Ayrton Senna, icône des paddocks, reste considéré 30 ans après sa mort comme un des plus grands pilotes de tous les temps.

AFP

Ce dimanche de mai 1994, à Imola, la mort a surgi sans prévenir dans le salon de millions de familles à travers le monde. Un impact frontal, droit dans les dents: le sport, ça tue. Et ça ne tue pas que les cons et les salauds, ça tue aussi les icônes. 

Ayrton Senna avait le visage serein de ceux qui ont la conviction de vivre leurs rêves à fond. Sans regrets ni remords. Le regard clair, droit, sûr. C’est sûrement ce qu’on admire chez les champions de sa trempe: cette force intérieure qui leur permet de croire à l’exceptionnel de leur destin, coûte que coûte. 

Car si Senna avait une gueule d’ange, il était prêt à tout pour passer devant les autres. Il ne pouvait en être autrement. C’était écrit: le «S» de son nom, déjà, et la suite de voyelles coulées, comme un enchaînement de virages parfaitement maîtrisés.

En ce sens, il n’était différent de personne dans ce milieu égotique et pervers, convaincu de sa supériorité, quitte à justifier tous les vilains tours de roue. Reste que quand il gagnait, dans le petit écran de tous les passionnés de sport automobile laissés au bord de la route, ce n’était jamais que pour lui-même.

Car il était le Che, héros sacrificiel et mystique, à la beauté envoûtante, la mort aux trousses mais jamais la frousse.

Car il était la contestation, en révolte constante contre un milieu rétrograde et méprisant, si prompt à cultiver l’entre-soi.

Car il était l'emballement, as de la pole position, qu’il pleuve ou qu’il vente, parce qu’un tour parfait en vaut bien plus que mille passables.

Car il était l’abnégation, entièrement dédié à chacun de ses coups de volant, jusqu’à ce que la gomme fonde et que les étincelles volent.

Car il était le Brésil, pilote patriote, en mission pour les crève-la-dalle, qui chaque dimanche de Grand Prix se réinventaient une fierté.

En ce jour de mai 1994, son casque jaune, liseré de bandes vertes et bleues, reconnaissable entre mille, ne bougeait plus. Ce spectacle macabre, retransmis en mondovision, s’est imposé à des millions de téléspectateurs qui n'avaient rien vu venir.

Supplice ultime d’un tragique destin, qui balance la dépouille d’un champion au visage de ses admirateurs. Ça ne pouvait pas être vrai, non.

Alors la foule a refusé cet épilogue, pour mieux le réécrire. Ce jour-là, Senna n’est pas mort. Il est devenu éternel.

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