"Freaks, "Rain man"… Avant "Un p'tit truc en plus", 5 films sur le handicap… avec un immense succès !

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Déjà plus de deux millions d'entrées pour le touchant film d'Artus...
Déjà plus de deux millions d'entrées pour le touchant film d'Artus...
David Koskas, via AlloCiné

"Freaks, "Rain man"… Avant "Un p'tit truc en plus", 5 films sur le handicap… avec un immense succès !

Histoire du 7e art

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Le comédien et réalisateur Artus a eu beaucoup de mal à convaincre les producteurs de le suivre dans l'aventure atypique de son long-métrage « Un p’tit truc en plus » ! Erreur, l'immense succès du film aurait pu leur rapporter le jackpot et les honneurs. Cela a été le cas pour ces cinq films qui ont marqué l'histoire du septième art en abordant, chacun à sa façon, le thème du handicap et de la différence, et des peurs qu'ils peuvent susciter.

Le film Un p’tit truc en plus est la grande surprise de ce printemps. Il vient de dépasser les deux millions d’entrées. Ce succès est aussi beau qu’inattendu pour son réalisateur Artus qui a eu du mal à monter son projet. Quand il se pointait en rendez-vous, les producteurs lui disaient : « Bon, ça va, on sait que les handicapés existent, on ne va pas les montrer en plus ». D’autres financiers redoutaient des blagues de mauvais goût. Imaginez un peu : des braqueurs en cavale se réfugient dans une colonie de vacances réservée aux handicapés, et jouent les malades mentaux, espérant passer inaperçus.

Artus a finalement rassemblé assez d’argent pour réaliser, comme il dit, un « beau film d’été », loin d’imaginer que, ce 22 mai, lui et son équipe d’acteurs « pas comme les autres » graviraient les prestigieuses marches du Festival de Cannes. Les cinéastes qui ont abordé le thème du handicap ont souvent touché le public et séduit les Oscars. Avec un peu de culture, les producteurs méprisants s’en seraient aperçus. Voici cinq belles histoires de cinéma…

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1 - Freaks, en 1932.

Pendant les années 1930, le handicapé est un animal de foire, un monstre (« freaks »), une créature presque diabolique. Il fascine le grand réalisateur Tod Browning, qui ironise sur les manchots dans son film L’inconnu (1927) et tourne le premier Dracula (1931). Mais son œuvre la plus légendaire demeure Freaks (« La Monstrueuse Parade »). Ce drame hallucinant, sorti en 1932 dans une Amérique fracassée par la crise, raconte la tournée d’un cirque à travers l’Europe. Si le public applaudit chaque soir la splendide trapéziste Cléopâtre, il est surtout impatient de voir les « monstres » exhibés pour son plaisir : des nains, des sœurs siamoises, « l’homme sans jambes », la « fille sans bras », la « fille-oiseau » atteinte du « syndrome de Seckel » qui lui a donné une petite tête et l’a rendue aveugle.

Amoureuse de sa beauté, jalouse, la trapéziste Cléopâtre se moque de ces « créatures » qui sont pourtant les stars du chapiteau. Leur vengeance sera terrible… De vrais handicapés et infirmes jouent leur propre rôle (Johnny Eck, Minnie Woolsey…) Ils ont été « ramassés » dans des asiles psychiatriques ou des foires, ne déjeunent pas à la cantine de la production car personne ne veut les voir en dehors du plateau, d’autant plus que certains, enivrés par la caméra, ont pris la grosse tête (à l’exception de la fille-oiseau, bien sûr).

Après le tournage, ils connaîtront des destins tragiques. Le film a inspiré à l’écrivain Fabrice Colin, en 2020, une splendide bande dessinée, Freak Parade (Denoël). C’est à l’âge de 14 ans qu’il découvrit ce poème noir, comme beaucoup d’entre nous, au Cinéma de minuit sur FR3, et ressentit « un choc esthétique, émotionnel ».

2 - Miracle en Alabama, en 1962.

Il n’est pas le film le plus connu du grand cinéaste que fut Arthur Penn (Le Gaucher, Little Big Man, Bonnie et Clyde…) mais doute le plus bouleversant. En 1908, une certaine Helen Keller avait publié son autobiographie, The Story Of My Life, traduite en français de manière racoleuse, Sourde, muette, aveugle, histoire de ma vie. Elle y racontait ses difficiles rapports avec son éducatrice, qui la pensait aussi déficiente mentale et tenta brutalement de « l’éveiller ».

L’écrivain William Gibson en tira une pièce de théâtre, The Miracle Worker (Miracle en Alabama) que Penn adapta d’abord à la télévision. Devant le succès, il porta cette histoire à l’écran dans un magnifique noir et blanc. Les deux comédiennes, Patty Duke, âgée de 16 ans (Helen) et la fantastique Anne Bancroft (l’éducatrice) y gagneront chacune un Oscar (second rôle et meilleure actrice).

3 - Elephant Man, en 1980.

David Lynch est-il le plus célèbre héritier de Tod Browning ? L’étrange, le monstrueux le fascinent. Le personnage d’Elephant Man ne pouvait que l’intéresser. Au XIXe siècle, un homme, Joseph Merrick, atteint de difformités au point que sa tête ressemblait à celle d’un éléphant, fut exhibé dans les foires de Londres, et mourut à 27 ans (1862-1890) dans une grande souffrance.

Lynch se heurta au scepticisme des argentiers qui ne voulaient pas financer un drame aussi étouffant, en noir et blanc. Il reçut le soutien d’un homme que l’on n’attendait pas dans un tel univers, puisque Mel Brooks, fan du premier film horrifique de Lynch, Eraserhead, proposa de le produire mais refusa d’apparaître au générique, craignant que sa réputation de cinéaste potache réduise la portée de ce film dramatique.

À Dustin Hoffman très intéressé par le rôle, la production préféra un acteur moins connu, John Hurt, qui porta brillamment, sous le masque lourd, la tragédie de Joseph Merrick et fut nominé aux Oscars.

4 - Rain Man, en 1988.

Dustin Hoffman n’a pas incarné Elephant Man mais se rattrapa huit ans plus tard avec ce beau rôle d’autiste génial qui lui demanda des mois de préparation : visionnages de vidéos, lectures de revues médicales, études sur des autistes célèbres comme les savants Kim Peek, capable de jouer une symphonie après avoir lu une fois la partition, et Joseph Sullivan. Son travail précis et authentique lui permit de décrocher l’Oscar du meilleur acteur.

5 - Intouchables, en 2011.

Impossible ne pas citer Intouchables réalisé par le duo Nakache/Toledano. Le film s’inspire d’un livre, Le second souffle, publié en 2001. Un homme d’affaires, Philippe Pozzo di Borgo, y racontait son accident de parapente qui l’avait laissé tétraplégique et sa relation houleuse avec son aide à domicile Abdel Yasmin Sellou.

Quand di Borgo apprit le projet du film, il ressentit un peu d’inquiétude, craignant que les cinéastes traitent son histoire de manière misérabiliste – mais il fut rassuré (malgré un scénario un peu téléphoné). Il apprécia l’humour décapant qui caractérisait les relations entre l’infirme fatigué et un assistant insolent. Ces rôles en or firent la fortune de deux acteurs méconnus, François Cluzet, sur la chaise, et Omar Sy, en provocateur, qui obtint le César du meilleur acteur. Avec dix-neuf millions d’entrées, Intouchables occupe la troisième place du box-office derrière Titanic et Bienvenue chez les Chtis.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne