Isild Le Besco : « Le cinéma réunit plus facilement les perversions du monde »

Dans un livre qui vient de paraître, l’actrice met en cause son ancien compagnon le réalisateur Benoît Jacquot.
Pauline Delassus
À Paris, mercredi.
À Paris, mercredi. (Crédits : © LTD / ALBERT FACELLY POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

En presque deux cents pages, Isild Le Besco apporte sa pierre à l'édifice de MeToo, épinglant dans son récit, intitulé Dire vrai (Denoël), ses parents, sa sœur Maïwenn, son ex-beau-frère Luc Besson, plusieurs réalisateurs avec lesquels elle a tourné et, surtout, son ancien compagnon Benoît Jacquot. Un texte intime et ravageur, écrit en un mois précise-t-elle, il y a tout juste un an, où elle dénonce les violences psychologiques et physiques dont elle dit avoir été victime de son enfance à l'âge adulte.

Ce livre singulier mêle des ressentiments personnels à des accusations de maltraitances infantiles, de viols, de coups et blessures, de chantage et d'abus de faiblesse. Réquisitoire féministe certes nécessaire, il surprend par la radicalité de certains propos de son autrice. Pour accompagner sa sortie, elle a répondu aux questions des journalistes de M le Mag et a été invitée dans plusieurs émissions de télévision, réitérant ses accusations, tout en expliquant qu'elle ne souhaitait pas poursuivre le cinéaste, de trente-cinq ans son aîné, avec qui elle était en relation de ses 16 ans à ses 24 ans.

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Quand nous la rencontrons, elle est épuisée mais vaillante. « Un cappuccino végan », demande-t-elle au serveur d'un café parisien. « En février, après le témoignage de Judith [Godrèche], on m'a pressée de porter plainte. Je ne le voulais pas. Se retrouver face à la police, dans le cadre d'une enquête, c'est trop éprouvant. Mais par solidarité, parce que j'avais envie d'aider, de dénoncer tout un processus, pas seulement une personne, j'ai décidé de publier mes mots ».

Ses parents, dont elle demeure proche malgré les gifles et l'abandon infligés à leurs enfants, ont accueilli avec bienveillance sa démarche. Son aînée, la réalisatrice Maïwenn, Luc Besson et Benoît Jacquot, eux, n'ont pas réagi, mais ce dernier a fermement contesté les accusations dont il est l'objet. À quelques jours de l'ouverture du Festival de Cannes, Isild Le Besco, qui s'y est rendue trois fois pour promouvoir des films, relate des souvenirs mitigés de l'événement. Elle a été heureuse d'y défendre des rôles, mais la Croisette est pour elle associée à la rupture entre sa sœur Maïwenn et Luc Besson quelque temps avant la présentation du « Cinquième Élément », en 1997.

« La notoriété permet de dire et d'être entendue »

Dès son plus jeune âge, le cinéma, vers lequel sa mère la pousse, est une échappatoire, le moyen d'« exister dans les yeux de quelqu'un » et d'acquérir de l'autonomie. Comédienne acclamée, réalisatrice louée, Le Besco estime, comme d'autres parmi ses pairs, être une « privilégiée » : « La notoriété nous permet de dire et d'être entendues, on nous tend des micros, ce n'est pas le cas pour l'immense majorité des femmes victimes ». Rappelant : « Il n'y a pas plus d'affaires d'abus dans le cinéma qu'ailleurs. Le cinéma est un miroir du monde, ce qui lui octroie un pouvoir de persuasion. Il va réunir plus facilement les perversions du monde. Les choses y sont plus à vif, car c'est l'outil le plus performant pour évoquer la nature humaine. »

Elle peut compter sur le soutien d'autres actrices, Judith Chemla, Emmanuelle Béart, Vahina Giocante, Sandrine Bonnaire, Anouk Grinberg et Judith Godrèche, avec qui elle discute régulièrement. « Les femmes me sauvent plus que les hommes, dit-elle. Les hommes sont peut-être passés à côté de la réelle valeur des femmes. » Elle refuse de se dire « militante », préférant qualifier sa démarche d'« humaniste », elle qui déjà en 2018 a publié un ouvrage retraçant des destins de figures féminines et réalisé un clip pour la Fondation des femmes. Les films qu'elle écrit et dirige, cinq en tout, traitent aussi de la condition féminine. Aujourd'hui, elle ne redoute ni ne s'étonne des rumeurs d'accusations qui pourraient être portées contre des acteurs célèbres à l'occasion du Festival de Cannes, estimant même, sans nuance : « Il semble que par nature la majorité des hommes agissent, même à leurs dépens, comme des agresseurs, sauf exception. Ils participent d'un machisme généralisé. » Ces imputations rappellent les éxcès observés au sein de certains courants féministes. Isild Le Besco paraît s'y inscrire, quitte à prendre le risque d'amoindrir la force de sa parole.

Pauline Delassus

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Commentaire 1
à écrit le 12/05/2024 à 9:05
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"sa sœur Maïwenn" Qui les protège tous et c'est normal quand elle dit "si c'était des monstres je le verrais je le saurais !" Et elle a raison quelque part ne se reposant que sur sa seule expérience et surtout espérant d'abord et avant tout que tout ...

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