Souverainisme(s) : la grande confusion !

Souverainisme(s) : la grande confusion !

Souverainisme(s) : la grande diffusion ©Getty - Picture alliance
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A moins d'un mois des élections européennes, de quelle souveraineté et de quels souverainismes parle-t-on ? Un mot piégé et piégeux si on se trompe d'échelle. Cachez ce "fédéralisme" que je ne saurais voir ?

« Souveraineté », c’est l’histoire d’un mot tabou, devenu presque banal, décliné aujourd'hui à toutes les sauces, sans qu’il soit forcément intelligible une fois jeté et dilué dans la campagne.

La Fondation Jean-Jaurès a fait des statistiques, et c’est très parlant : entre 1974 et 2022, les Premiers ministres ont fait 16 discours de politique générale, dans lesquels, tout confondu, sur près de 40 ans donc, on ne trouve le mot « souveraineté » que 12 fois.

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Mais rien qu’en compilant les discours d’Elisabeth Borne et de Gabriel Attal, on le recense 37 fois ! Et 16 fois dans le dernier discours du Président, à la Sorbonne.

Et où voulez-vous en venir ?

Qu’on le doit à la tentative d’Emmanuel Macron de faire du judo avec ce concept, qui a souvent été associé au nationalisme et à la monarchie. En 2019, quand on parlait des listes « souverainistes », on pensait surtout au RN, aux partisans du Frexit.

Or, depuis 7 ans, la majorité présidentielle s’efforce de faire rimer souveraineté avec « Europe »

Protectionnisme, puissance, indépendance ? Oui, mais « en Européens ».

Problème : Jordan Bardella fait la prise de judo inverse ! Puisqu’Emmanuel Macron change de dictionnaire politique, ce serait le signe de sa défaite idéologique. Les « patriotes » auraient converti les « progressistes » (ou « mondialistes » dans la bouche de Marine Le Pen).

Au contraire, répond le camp d’en face. Si le RN a adopté l’euro, si le RN joue le jeu des institutions et combat l’Europe de l’intérieur, faute de pouvoir le faire de l’extérieur, ce serait parce qu’Emmanuel Macron a « européanisé » le souverainisme !

Et vous y voyez une source de confusion ?

Littéralement, être « souverain », c’est se donner les moyens d’être maître chez soi

Or, au fil des crises, on a vu plusieurs souverainetés se télescoper dans les discours. Souveraineté « alimentaire », en pleine crise agricole. Pour sauver nos agriculteurs français. Le gouvernement faisait moins vibrer la corde européenne cet hiver ! Méchantes normes, et méchant Pacte Vert !

Souveraineté « sanitaire » : ou comment refaire du Doliprane made in France. Souveraineté énergétique : cocorico pour l’atome français et l'EPR ! Souveraineté militaire ? Là, Emmanuel Macron change d’échelle quand il veut faire bénéficier toute l’Europe de notre dissuasion nucléaire.

D’où le risque de confusion… Peut-on penser la souveraineté en dehors des frontières d’un Etat ? L’Europe est-elle suffisamment avancée, institutionnellement, pour acquérir de nouveaux attributs de souveraineté ?

Que faudrait-il dire alors ?

Méridien d’Europe
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« Fédéralisme » ! Vous l’entendez beaucoup, ce mot, dans la campagne ?

Hormis dans les programmes de Marie Toussaint ou de Raphaël Glucksmann, c’est un vrai cache-cache ! Comme si nos élus avaient encore le « fédéralisme » honteux.

Alors qu’il n’y a pas de souveraineté européenne sans un minimum de fédéralisme : décider et mettre en commun, c'est le moyen d'arriver à cette souveraineté ! Pourquoi ne pas le dire ?

Quand Kohl et Mitterrand se lancent dans l’aventure de la monnaie unique, ils tiennent bon malgré les critiques qui pleuvent, qui leur reprocherait aujourd'hui ce saut fédéral ?

Tant que les choses ne seront pas dites, et tant que continuera ce « et en même temps » sémantique, le débat des européennes fera du surplace, et Jordan Bardella restera... souverain dans les sondages.

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