Jean Reno : « Je garde ce qui me touche », rencontre avec l’acteur qui publie son premier roman, Emma

Publié le 16 mai 2024 à 06:00 Mis à jour le 16 mai 2024 à 14:28
jean reno eric guillemain- hk
À 75 ans, Jean Reno publie son premier roman, Emma, une histoire d'amour et d'espionnage. Nous l'avons rencontré.

Sur le pas de la porte de la chambre 007 d’un hôtel de luxe parisien, la voix de Jean Reno résonne. Une suite de chiffres comme un clin d’œil volontaire au célèbre agent britannique ? En tout cas, la coïncidence prête à sourire. De passage exceptionnel à Paris, l’acteur présente son premier roman, Emma, publié chez XO Editions, le 16 mai 2024. Une histoire dans laquelle se côtoient suspense, espionnage et amour, où l’on suit une jeune masseuse dont le destin va basculer. Exerçant dans un centre de thalassothérapie en Bretagne, elle se retrouve projetée dans une autre réalité, mutée à Oman pour former les équipes d’un nouveau centre de bien-être. Éprise de Tariq Khan, fils du vice-Premier Ministre du sultanat, le cœur d’Emma balance entre ses sentiments et sa mission pour les services secrets français. Que choisira-t-elle ? En toute modestie, Jean Reno a répondu aux questions de Pleine Vie. Rencontre avec un immense acteur désormais écrivain.

Comment l’idée de l’écriture vous est-elle venue ?

Jean Reno : On était en thalasso avec ma femme (ndlr. Zofia Borucka, qu’il a épousée le 26 juillet 2006), il y a très longtemps, et elle m’a dit « j’ai fait des massages avec une masseuse extraordinaire, il faut que t’y ailles », et moi je lui ai dit « laisse-moi tranquille (rires) ». Elle est partie et elle m’a pris un rendez-vous… Et c’était extraordinaire. Le massage, techniquement, était extraordinaire. C’est parti de là. Je me suis dit : « elle est masseuse, c’est pas mal. Les mains. Elle transmet… ». Et petit à petit la mer, Quiberon, l’océan, les jets qui se posent… D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Ce sont des mecs qui ont fait leurs études à Londres, qui travaillent évidemment en Extrême-Orient, et qui sont les fils de l’Ambassadeur, du Premier Ministre… Et ils sont là. Quand elle le masse, ses mains obéissent à son cœur. Tu imagines ? C’est génial. Ça me surprend, et ça la surprend, elle. Elle me surprend et je la surprends, j’ai un gros mariage avec elle. Je passe mon temps avec elle. Je la vois passer, aller et venir. Et c’est comme ça qu’elle est venue. Après elle est restée avec moi, jusqu’au Covid, comme j’ai travaillé beaucoup moins. Avant, je n’arrêtais pas de travailler, d’aller à gauche à droite. Le Covid, ce silence-là, a déclenché ça. Je voulais un bouquin physique. Ça me fait penser à mon père et à ma mère, donc c’est du boulot.

Avez-vous eu certaines inspirations ? Comme la série Le Bureau des Légendes ?

J. R. : Non, je n’ai pas regardé. Ça ne me branche pas. Je devrais pour Mathieu (ndlr. Mathieu Kassovitz, qui tient le rôle principal de la série), car je l’aime beaucoup, mais je n’ai pas sauté le pas. Ça me fait peur. C’est le côté administratif qui me gêne. Personnellement, je sais que la série a beaucoup de succès et j’en suis ravi pour Mathieu et pour le créateur, Éric Rochant. Mais ça me fait trop peur. C’est Emma qui m’a amené à la France, c’est le désert, c’est Les Mille et Une Nuits… Quand Tariq amène Emma dans le désert pour avoir ses Mille et Une Nuits, c’est royal, il n’y a personne.

Pourquoi avez-vous choisi Oman comme cadre pour cette histoire ?

J. R. : Parce que… Le Qatar ? Abou Dabi ? Dubaï ? C’est trop perverti. Je suis allé à Dubaï, je suis allé partout. Oman, j’y suis allé, il y a la mer. Il y a encore une certaine simplicité. Ça laisse rêveur ! Oman c’est où ? Et puis il y a un sultan ! Et on se dit « quoi ? Il y a un sultan ? Il est où ? (rires) », tu vois, ça donne ça.

Comment fait-on pour créer un personnage aussi différent de soi ? Y a-t-il des similitudes entre Emma et vous, même subtiles ?

J. R. : Est-ce que c’est intéressant de parler de moi et de faire un petit moi ? C’est ridicule, non ? Parce que je l’aime. Elle a perdu sa mère aussi. Elle habite dans une rue piétonne où il y a des pavés, elle a un héritage, elle a un grand-père qui est résistant, les mains… Il est cordonnier. C’est elle qui m’amène, ce n’est pas moi qui l’amène.

Quelle a été la différence pour vous entre raconter une histoire en tant qu’acteur et en tant qu’écrivain ? Que cela vous a-t-il apporté ?

J. R. : Le personnage, c’est la même chose. Quand on lit un scénario, on suit l’histoire et on doit l’interpréter. Donc, on la rêve… Tu fais comme ça et tu regardes l’écran. Il va là, il revient ici. Quand il plonge dans le bleu, il descend… Tu fais ce travail-là. Quand tu as l’idée, tu fais le même boulot. Emma a-t-elle des jupes plutôt courtes avec des volants et court-elle de partout ? Avec des ballerines ? Non, parce qu’on prépare sa force : c’est l’autre. Donc pour moi, elle a une salopette. Elle n’est pas tout le temps en salopette, mais elle a des pompes un peu comme ça (dit-il en montrant du doigt des bottines noires à talons), avec pas trop de talons. Tu es dans ta croyance à toi. Elle n’est pas trop grande. Ce n’est pas une grande femme, c’est une femme d’une taille moyenne. Je n’ai pas son visage, mais je sais qu’elle est blonde.

jean reno
crédit photo : Eric Guillemain - H&K

La masseuse qui vous a inspiré cette histoire sait-elle qu’elle a été votre source d’inspiration ?

J. R. : Non pas du tout, je ne sais même plus comment elle s’appelle, je ne sais pas où elle est… Un jour, j’espère qu’elle se souviendra de moi. Plus que je ne me souviens d’elle, j’espère. J’ai tendance à ne pas garder dans la tête les informations dont je ne me sers pas. Je garde ce qui me touche. Là, c’était quelque chose de simplement technique, où elle avait un art de massage. Elle était formidable, c’était une vraie masseuse. C’est pour ça que ma femme m’a dit « il faut que tu la vois », il n’y avait pas du tout d’histoire. Il n’y avait rien.

Avez-vous un auteur fétiche ?

J. R. : Un auteur ? Non. J’ai beaucoup lu, de tout. Je ne sais que ce n’est pas bien, mais je lis plusieurs choses à la fois, parce que je mets en pause, puis je reprends. Quand ça commence à me gonfler, je le pose, je m’en vais et peut-être que je m’en vais ailleurs. C’est les nuits d’insomnie, où je m’assois et je pense. J’aimerais beaucoup que ça plaise, que je continue avec elle, un petit bout…

Dans une autre interview, vous avez parlé d’une histoire qui aurait pour héroïne une femme du nom de Justine, pouvez-vous nous en dire plus ?

J. R. : Ça, c’est autre chose. Ça, c’est une solitude que j’ai eue, avec elle, et une lassitude, à Prague, alors que je tournais les Loups Garous. Je lui ai dit « laisse-moi », donc elle est partie. J’étais tranquille, dans ma chambre, et tout d’un coup, c’est une nana avec une ceinture, un imperméable mouillé… Elle est brune avec les cheveux courts. Et tu ne sais pas pourquoi… Justine. Elle, elle est un peu plus petite. Pourquoi Justine ? Parce que « justice ». Et donc l’Irlande, la pluie, les falaises… Une « mansion » (ndlr. en français, un manoir), pas trop grande, mais pas petite. J’arrête après, c’est la suite ! C’est tout à fait autre chose.

Quels sont vos projets à venir ?

J. R. : Le film les Loups-Garous va sortir sur Netflix, en octobre, avec Franck Dubosc. Il paraît que c’est vachement bien ! J’ai un film indépendant américain, Le Pingouin et le Pêcheur, tiré d’une histoire vraie, entre un pêcheur brésilien et un pingouin qu’il a sauvé. Le pingouin va venir le visiter pendant huit ans, et il devient comme son fils. Un film assez touchant qui sortira le 8 août en Amérique, et après sans doute en France. J’ai aussi Le Marsupilami à tourner, pour Philippe Lacheau, en septembre.

Peut-être une suite pour l’écriture ?

J. R. : Oh, j’adorerais ! Mais ça, c’est le public qui va le dire. C’est vous qui allez le dire ! (rires)

Emma Jean Reno

crédit photo : XO Editions Emma (XO Editions), 320 pages, 21,90 euros

À propos de l’auteur
Emilie Gille
Emilie Gille
Rédactrice pour Pleine vie, je suis particulièrement férue de sujets culturels (notamment séries et cinéma) et lifestyle (voyages, cuisine, psycho...).
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