La "Nuit des musées" : à l'origine, l'idée d'un sénateur allemand qui rendait tout le monde sceptique

La "Nuit des musées" : à l'origine, l'idée d'un sénateur allemand qui rendait tout le monde sceptique

La "Longue Nuit des Musées" à Berlin - Lustgarten, Cathédrale de Berlin ©Getty - Ilona Studre
La "Longue Nuit des Musées" à Berlin - Lustgarten, Cathédrale de Berlin ©Getty - Ilona Studre
La "Longue Nuit des Musées" à Berlin - Lustgarten, Cathédrale de Berlin ©Getty - Ilona Studre
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Entrer dans un musée la nuit, le rêve d'André Breton. Mais l’idée d’ouvrir annuellement les musées au public la nuit, qui fait florès dans l’Hexagone et en Europe depuis 25 ans, n’est pas française. C’est à Berlin, en 1997, qu’a lieu la première "Nuit des musées", qui connaît un succès retentissant.

J'aime beaucoup ces hommes qui se laissent enfermer la nuit dans un musée pour contempler à leur aise, en temps illicite, un portrait de femme qu'ils éclairent au moyen d'une lampe sourde. Comment, ensuite, n'en sauraient-ils pas de cette femme beaucoup plus que nous n'en savons ?” écrivait André Breton dans Nadja en 1928. Le fantasme du père du surréalisme a certes une coloration un poil sexiste… mais qui n'est pas séduit, comme lui, par cette idée de se trouver clandestinement, la nuit, au milieu d’œuvres d'art ?

La "longue nuit des musées" allemande : un "Big Bang"

Pourtant, c'est seulement soixante-dix ans après que ces lignes ont été écrites que l'idée se concrétise. Pas à Paris, ni même en France, mais à Berlin. L'initiateur ? Volker Hassemer, un ancien sénateur berlinois de la Culture qui rêve de rendre les musées (et les transports) accessibles à tous, une fois par an et le jour tombé. Seulement… : “Même les dirigeants des grandes institutions étaient, pour le dire prudemment, extrêmement réservés”, se souvenait ce membre de l’Union chrétienne démocrate, il y a quelques années,  sur les ondes de la Deutsche Welle. Il s'arme d'une patience infinie, affronte une multitude de réunions, jusqu'à ce que la “Lange Nacht der museen” finisse par voir le jour, par une nuit de février 1997.

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C’est un énorme succès. Un “Big Bang”, ose même Moritz Van Dülmen, un responsable culturel allemand. Il entraîne dans son sillage d’autres grandes villes du pays, comme Hambourg, Francfort, Munich. Mais pas seulement : l'idée essaime très vite à l’international.

À écouter : Musées en mouvement
Musée en mouvement

Le concept repris en Europe, et en France par une ministre de Jacques Chirac

La France reprend le concept à son compte en 1999, mais en le transformant un peu : Catherine Trautmann, ministre de la Culture de Jacques Chirac, inaugure le “Printemps des musées” dans 700 musées de France : une version diurne, et printanière, de la “Lange Nacht der Museen".

"La dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français publiée en 1998, montre que 33 % des Français de plus de 15 ans ont visité un musée dans les 12 mois précédents, contre 30 % seulement il y a 8 ans ; c'est une progression non négligeable qui situe les musées en tête des équipements culturels de notre pays. Mon souhait est évidemment que cette progression s'accentue",  déclare la ministre en mars 1999, quelques jours avant le lancement de son opération de démocratisation muséale.

Des visiteurs patientent devant le Musée du Louvre, le 14 mars 1999 à Paris, alors que plus de 700 musées ont ouvert gratuitement leurs portes
Des visiteurs patientent devant le Musée du Louvre, le 14 mars 1999 à Paris, alors que plus de 700 musées ont ouvert gratuitement leurs portes
© AFP - Damien Meyer

En 2001, le Conseil de l’Europe soutient une action transnationale : plus de 2 000 musées ouvrent dans près de 40 pays. L’opération déborde même du cadre européen, jusqu’à Bakou, en Azerbaïdjan, et à Buenos Aires, qui célèbre depuis 2004 sa "Noche de los museos".

En France aussi, les musées se mettent aux heures de nuit

Parallèlement, un an plus tard, Paris met en place sa "Nuit Blanche", qui offre au public de découvrir gratuitement ses musées, de nuit. Un événement marque cette première édition : l’agression homophobe du maire de la Ville, Bertrand Delanoë, par un déséquilibré, alors que la fête bat son plein à l'Hôtel de Ville.

Quant au "Printemps des musées", il devient "Nuit des musées" en 2005. Il s’agit d’attirer un public jeune, celui qui va habituellement "en boîte".

Les musées nationaux semblent encore avoir de belles nuits devant eux, même si chaque pays vit l’événement dans son coin, malgré l’étiquette "européenne". Au point que le site du gouvernement ne recense sur sa carte quasiment que les musées français, sur les 3 000 qui seront ouverts en Europe pour l’occasion. Berlin, par exemple, n’y apparaît pas. Peu importe, cela n’empêchait pas l’Allemagne, berceau de l’évènement, de célébrer l’an dernier un record de 50 000 visites. Beau succès aussi pour les 1 300 musées français participant à l’édition 2023. À eux seuls, le Louvre et le musée de l’Armée comptabilisaient presque 20 000 visites.

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