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Je suis devenue mentor parce que les médecins de l’équipe de l’hôpital de  Panzi m’ont aidé avec des conseils pour surmonter le drame que j’ai vécu. Ils m’ont aidé à comprendre et à accepter de devenir mère alors que j’étais encore mineure. Ceci constitue ma source d’inspiration et de motivation pour afin encadrer les autres filles qui connaissent la même situation, à travers des conseils »

explique Claudine, du nom d’emprunt que nous donnons à cette dame que nous avons rencontré à l’hôpital de Panzi.

C’est à l’hôpital Panzi que Claudine a bénéficié de la prise en charge médicale, psychologique et la réinsertion sociale après un viol. Ceci, dans le cadre du projet de prise en charge holistique des mineures survivantes de violences sexuelles enceintes. Après son relèvement, elle est devenue « mentor » et accompagne des filles mineures enceintes à accepter leurs bébés à la naissance. Les « Mentors mères » sont des femmes qui ont déjà vécu l’expérience de la préparation de l'accouchement et offrent le soutien aux autres survivantes en participant régulièrement aux séances de préparation à l´accouchement et en partageant leurs expériences.

Claudine a été violée à l’âge de 16 ans alors qu’elle allait avec son amie pour puiser de l’eau. Sur la route, il y avait une parcelle où logeaient les étudiants. Ces derniers les avaient envoyées à leur acheter la braise au petit marché. A leur retour, ils leur avaient proposé de prendre du jus avant d’abuser d’elles.

Ils ont abusé de nous après nous avoir offert du jus dans lequel ils avaient mis du somnifère. Après avoir bu ce jus, je ne me souvenais plus de rien. Je suis tombée enceinte après cet acte ; Et lorsque ma famille l’apprendra, je serai abandonné. C’est par le canal d’une sœur de l’Eglise que j’apprendrai que  l’hôpital de Panzi assure la prise en charge des survivantes de VBG. Je m’y suis rendue et j’ai bénéficié gratuitement d’une prise charge ».

 Une équipe multidisciplinaire pour la prise en charge

Grâce au financement de la Suède à travers UNFPA, la fondation PANZI met en œuvre à Bukavu dans la province du Sud Kivu, le projet modèle holistique de prise en charge des survivantes mineures enceinte. Ce projet pilote vise à accompagner et à préparer les survivantes enceintes à des accouchements sûrs , sécurisés et éviter le rejet ou l’abandon du nouveau-né.

Lorsque je suis arrivée à l’hôpital Panzi, j’ai été bien accueillie. L’hôpital avait mis à ma disposition un psychologue, une assistante sociale et des sage-femmes et gynécologues que nous appelons affectueusement mamans chéries. La prise en charge médicale également était gratuite, je mangeais et j’étais logée gratuitement jusqu’au jour où je suis rentrée à la maison. J’ai été abandonnée par ma famille, mais l’équipe de l’hôpital s’était rendue chez mes parents pour échanger sur ma situation et surtout pour les convaincre de m’accepter de nouveau dans la famille. C’est de cette façon que je suis rentrée à la maison et jusqu’à aujourd’hui je vis paisiblement auprès des miens ».

Maria Hogenä, qui dirige ce projet au niveau de l’hôpital Panzi,  explique que les objectifs du projet étaient d’assurer la santé et le bien-être des survivantes enceintes et de leurs nourrissons, y compris l'attachement pré et postnatal ; de renforcer la capacité des sage-femmes à fournir des soins de qualité aux survivantes enceintes et accouchée afin de les responsabiliser, prévenir d’autres expériences traumatisantes et faciliter l’attachement entre la mère et le nouveau-né.

Selon elle, de 2021 à 2023, plus de 500 survivantes ont accouché dans le cadre de ce projet modèle, dont 70% sont mineures. Les résultats indicatifs montrent une diminution des taux de césarienne de 50 % initialement en 2020 à 40 % en 2023.

L’autonomisation des femmes

En dehors de la prise en charge offerte à l’hôpital, la Fondation Panzi assure l’encadrement des femmes et des filles vulnérables dans l’apprentissage des métiers (coupe-couture, esthétique, maroquinerie, etc). Ainsi, les survivantes des violences basées sur le genre qui sont prises en charge à l’hôpital bénéficient, entre autres, de l’apprentissage sur la maroquinerie à travers la fabrication des sacs destinés à la vente pendant qu'elles reprennent courageusement leur vie. Quant à Claudine, elle a bénéficié gratuitement de la formation en coupe-couture durant sa période de prise en charge.

J’ai encore bénéficié d’une formation en coupe couture. Aujourd’hui, j’ai un atelier de couture à la maison. Je confectionne les habits pour mes clients. Je suis devenue autonome. Mes revenues me permettent de prendre en charge mon enfant ».

Quid du projet modèle holistique ?

Ce projet est un modèle basé sur les données scientifiques avec une approche de prise en charge holistique centrée sur la bénéficiaire (mineure survivante de violence sexuelle enceinte). Elle vise à offrir de soins obstétricaux et périnataux en vue de favoriser un accouchement physiologique normal et une expérience d´accouchement positive. Le modèle met à profit des compétences spécifiques des sage-femmes avec l’appui d’autres prestataires : gynécologues, pédiatres, psychologues et assistantes psychosociales. Un réseau de femmes, « les Mentor Mothers » est mis en place afin de partager leurs expériences et d’apporter un soutien psychologique aux survivantes mineures enceintes. Le but de cette innovation est de développer et d'établir davantage le modèle holistique de soins dirigés par une sage-femme au profit des survivantes enceintes de violences sexuelles et basées sur le genre qui peut être adapté et appliqué dans d'autres contextes avec des circonstances et des besoins similaires.

La mobilisation des fonds additionnels permettra de mettre à l’échelle ce modèle au profit des autres zones du Pays ayant de taux élévés de violences sexuelles chez les mineurs.