Bénin-Niger: la guerre du pipeline - Chronique de Jean-Baptiste Placca
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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Bénin-Niger: la guerre du pipeline

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La crise entre le Bénin et le Niger est une conséquence lointaine du rendez-vous manqué de mai 1963, qui aurait dû engager le continent dans le sens des États-Unis d'Afrique. Qui n’existent même plus en projet. Voilà pourquoi certains dirigeants, au gré de leurs humeurs, écrasent leur peuple à huis clos et se jouent de la Constitution.

Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020.
Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, en 2020. © RFI/Pierre René-Worms
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Entre le Bénin et le Niger, on a frôlé une guerre économique. Pour vider le contentieux qui a failli paralyser l’exportation du pétrole du Niger, les deux voisins vont devoir entamer des discussions, grâce à la médiation chinoise. En attendant, le pétrolier en standby devrait exceptionnellement embarquer une première cargaison du brut nigérien au terminal de Sèmè Kraké.

N’est-ce pas à toute l’Afrique de remercier la Chine ?

Peut-être faut-il souligner que c’est avant tout dans son propre intérêt que la Chine tente de désamorcer ce qui aurait pu, en effet, être une crise continentale grave. Pour avoir financé les coûteuses infrastructures qui rendent le pétrole du Niger exploitable, les Chinois ne sont pas loin de s’en considérer propriétaires, et pour quelques longues années. La crainte d’une paralysante crise entre ces deux États leur était d’autant plus insupportable qu’ils ont dû étancher aussi une pressante soif de liquidités des nouvelles autorités de Niamey. Les incertitudes planant sur ces investissements ont exaspéré Pékin, et les États concernés vont découvrir la Chine sous un jour moins conciliant.

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Comme toujours, sur ce continent, chaque partie s’entête à imputer à l’autre les causes de ses malheurs, de ses déconvenues. Ainsi, s’empresse-t-on, ici et là, d’accuser le président du Bénin de vouloir nuire à la junte nigérienne, qui campe résolument sur son honneur, qu’elle assimile sans nuances à la souveraineté du peuple nigérien. Désespérante Afrique, où certains en viennent à oublier que la fierté des autres, en tant que peuple, peut ne pas être négligeable, par rapport à la leur. Les dirigeants béninois auraient-ils totalement tort de ne pas accepter d’être ignorés, sinon traités par le mépris, par les dirigeants d’un pays voisin qui fait transiter par leur territoire la principale richesse sur laquelle ils misent pour apporter le bonheur aux Nigériens ? Surtout que tous savent, d’expérience, que dans les mois et les années à venir, des Béninois mourront sur le trajet de ce pipeline, par imprudence ou par avidité, comme en témoignent les pipelines, au Nigeria, juste à côté ?

Mais les Nigériens n’ont-ils pas le droit, pour des raisons sécuritaires, de garder leurs frontières avec le Bénin fermées ? 

L’on est plus dans la suspicion que face à des preuves tangibles. Comment expliquer que les frontières avec le Nigeria soient ouvertes, alors que le président du Nigeria était autrement plus virulent que son homologue béninois sur le projet d’aller déloger les putschistes à Niamey ? La vérité est que personne, à Niamey, n’oserait traiter le Nigeria par le mépris.

Dans de nombreux villages, en Afrique, les maisons s’enchevêtrent d’une telle manière que, pour accéder à leur domicile, certains doivent parfois traverser la cour d’autres familles. La bienséance impose de saluer ceux dont, par nécessité, l’on viole ainsi l’intimité. En froid ou pas, on fait semblant de leur dire bonjour. Ou alors, on trouve un détour, plus long. Même dans certaines capitales, l’on est parfois obligé de passer ainsi par la maison des autres, pour atteindre la sienne. C’était le cas à la Briqueterie, quartier de Yaoundé, au Cameroun. C’est ce que l’on pourrait appeler la bienséance de l’interdépendance, et qui est aussi valable entre États…

Serait-il donc interdit, sur ce continent, de se fâcher avec ses voisins ?

Ce n’est pas là le problème. Et de telles crises n’existeraient pas si, en mai 1963, les dirigeants du continent avaient courageusement franchi le pas des États-Unis d’Afrique, au lieu de cette une union qui n’a cessé de fragiliser le continent. Cette balkanisation se nourrit de cinquante-quatre susceptibilités. Les États-Unis d’Amérique, ce sont cinquante États sans frontières et sans douanes entre eux, mais aussi une seule monnaie, et les gouverneurs, l’équivalent de nos présidents de la République, savent mettre ce qui les unit au-dessus des querelles d’égo. Le véritable drame de ce continent est que les États-Unis d’Afrique n’existent même plus en projet. Au nom de la fierté nationale, certains dirigeants écrasent leur peuple à huis clos et, au gré de leurs humeurs, se jouent de la Constitution.

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