Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste: Ville frontière - Bordertown, Archie Mayo (1935)
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mercredi 15 mai 2024

Ville frontière - Bordertown, Archie Mayo (1935)


 Au Mexique, un ancien homme de loi se transforme bras droit du gérant d'un casino, dont l'épouse tombe peu à peu sous son charme. 

Ville frontière est pour Paul Muni un rôle intermédiaire, entre ses prestations de mauvais garçon aux origines métissées (Scarface de Howard Hawks) et ses interprétations transformistes dans la grande série de biopic interprétés chez William Dieterle (La Vie de Louis Pasteur (1937), La Vie d'Émile Zola (1936), Juarez (1939)). Il incarne ici Johnny Ramirez, "mauvaise graine" d'origine mexicaine cherchant à transcender sa condition. Il va tout d'abord s'y essayer par la voie noble en devenant avocat après de longues et fastidieuses études, avant qu'une désillusion l'engage sur la seule voie matérialiste et pécuniaire en cherchant à devenir gérant de casino. 

Le scénario est un peu frustrant, abandonnant rapidement la carrière d'avocat du héros où l'on aurait aimé le voir persévérer après un premier échec. L'intrigue autour des casinos et du triangle amoureux avec l'épouse (Bette Davis) est plus convenue, offrant un sentiment de déjà-vu par anticipation. Une partie du scénario fut en effet largement recyclée pour un résultat bien meilleur dans Une Femme dangereuse de Raoul Walsh (1940), opus autrement plus tendu. On a donc un segment riche de possibilité mais écourté, et un autre prévisible et traînant en longueur.

Néanmoins le film se suit sans déplaisir, notamment dans cette description initiale des communautés latinos où malgré quelques clichés (le personnage de la mère la main sur le cœur), la prestation tout en droiture virile de Paul Muni fait mouche. La première scène de procès confronte ainsi habilement la candeur du "prolo" au vice de l'avocat adverse bien né, la juste cause défendue par Ramirez ne pesant pas lourd car reposant sur sa seule bonne foi. Dès lors c'est l'avidité et la ténacité de celui parti du bas qui domine chez Ramirez et permet son ascension mais là encore une forme de naïveté le perdra en visant trop haut côté cœur avec la belle Dale (Margaret Lindsay). Le manque de liant et la mise en scène neutre d'Archie Mayo empêche l'ensemble d'être plus palpitant mais, à l'interprétation solide de Muni il faut aussi ajouter une Bette Davis qui se démarque réellement. Amoureuse frénétique et meurtrière bientôt débordée par un équilibre mental précaire, Bette Davis parvient à exprimer cette folie avec une inquiétante sobriété qui la rend plus pathétique que ne l'aurait fait un jeu plus outré. 

On la sent constamment sur la corde raide, jusqu'à cette dernière scène de témoignage où l'on a physiquement l'impression de voir sa dernière once de raison s'évaporer. L'actrice aurait imposé cette retenue en raison de son expérience personnelle des troubles mentaux avec sa sœur, et les producteurs qui la poussaient vers plus d'excès et envisageaient de retourner la scène dans ce sens (pensant que les spectateur n comprendraient pas la bascule dans la folie si elle était jouée sobrement) y renoncèrent. Bette Davis est donc le grain de sable imprévisible qui manque globalement au film qui se conclut dans la résilience moralisatrice attendue pour son héros ayant renoncé à ses ambitions.

Disponible en streaming sur MyCanal

Discussion intéressante sur l'image des latino-américains à Hollywood à travers un regard sur le film

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