Négocier, plus que jamais - La Grande Conversation
Édito

Négocier, plus que jamais

Publié le 17 mai 2024
Il ne faut pas laisser la Nouvelle-Calédonie revivre les violences des années 1984 et 1988. Mesurant avec sagesse que la force ne règlerait rien, Michel Rocard avait à l’époque initié une voie de négociation qui a porté ses fruits durant 40 ans. Certes, les accords de Nouméa puis de Matignon avaient ouvert des calendriers de long terme mais c’était pour mettre en œuvre des mesures de justice sociale propres à apaiser les tensions locales. Alors que le gouvernement veut précipiter un calendrier d’ici la fin juin, c’est au contraire à nouveau la voie de la concertation et du dialogue qui doit prévaloir.
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Pour comprendre l’escalade de violence survenue en quelques jours en Nouvelle Calédonie en réponse au vote des députés français sur l’élargissement du corps électoral calédonien, il faut situer la place de cette mesure dans l’architecture des accords progressivement construits depuis plus de quarante ans. Alain Christnacht avait précisément fait le point sur l’ensemble du processus pour Terra Nova au moment du troisième référendum, largement boycotté par les indépendantistes, en décembre 2021. La restriction du corps électoral pour un vote d’autodétermination n’est pas une pratique inhabituelle et peut se justifier par des raisons historiques, explique-t-il notamment. Son application pour le vote des assemblées provinciales apparaît en revanche comme un point plus fragile des accords de Matignon de 1988, largement discuté depuis. Ce point de vigilance identifié dans les recommandations finales de l’auteur n’a malheureusement pas été entendu, le choix d’une négociation aussi patiente que modeste, telle qu’initiée par Michel Rocard, n’ayant visiblement pas prévalu dans l’action récente du gouvernement. 

Deux contributions éclairent cette semaine la campagne des élections européennes. Les sondages français indiquent un haut niveau d‘intentions de vote pour le Rassemblement national. Ce chiffre ne doit cependant pas laisser penser qu’un bouleversement des équilibres pourrait advenir au Parlement européen. Même si l’extrême droite progresse dans plusieurs pays européens, elle ne sera très probablement pas en situation de changer les alliances au Parlement. Cependant, son influence peut peser sur les choix du groupe conservateur, le Parti populaire européen. Pour savoir dans quelle mesure celui-ci pourrait être tenté de chercher des soutiens ponctuels sur sa droite, on peut se référer à ce qui s’est passé au cours de la législature qui s’achève : a-t-on observé un rapprochement du PPE et des deux groupes d’extrême droite, ECR et ID ? Un décompte précis des votes, mené pour Terra Nova par Catherine Fieschi et Salvatore Vassalo, apporte une réponse nuancée à cette interrogation et permet de mieux comprendre les possibles transformations à venir au sein de la droite européenne.

Une autre contribution porte sur la stratégie européenne de La France Insoumise. Au sein du Parlement européen, LFI fait partie du groupe Gauche Unitaire Européenne (GUE). Avec celui-ci, les députés insoumis ont apporté leur voix à plusieurs textes renforçant le droit des travailleurs des plateformes, limitant l’usage des emballages, promouvant la réparabilité des produits etc. Cette attitude constructive correspond à la culture parlementaire coopérative qui prévaut au Parlement européen, en décalage avec le programme européen de rupture que promeut le parti de Jean-Luc Mélenchon à chaque campagne. De ce fait, LFI se trouve écartelé entre ses pratiques et ses promesses, au risque de rendre son discours illisible, relève Louis Andrieu. Plus grave encore, le choix de centrer la campagne sur la situation à Gaza, essentiellement pour des raisons de politique intérieure, dans un discours antisioniste aux accents souvent plus que douteux, pourrait se révéler une option désastreuse.

C’est un travail parlementaire de longue haleine qui a commencé à propos du texte sur la fin de vie. La Commission spéciale créée pour examiner le projet du gouvernement a ouvert ses travaux par une série d’auditions. Parmi les personnalités auditionnées, l’ancienne ministre de la santé Marisol Touraine a bien voulu reprendre pour La Grande Conversation la réflexion qu’elle a présentée à cette occasion. Elle a notamment pris clairement position pour la prise en compte des directives anticipées et contre la restriction du projet de loi réservant l’aide active à mourir aux patients dont le pronostic vital est engagé « à court ou moyen terme ». Sans esprit militant, elle argumente en faveur d’un texte de loi respectant la demande des patients, la relation de confiance avec le corps médical et l’effectivité des droits.

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Depuis la crise sanitaire et les confinements, une attention nouvelle a été portée aux souffrances psychiques en France. Pour surmonter ces souffrances, il faut accepter de les reconnaître et d’en parler. Briser ce tabou apparaît particulièrement difficile pour les hommes dont les troubles psychiques apparaissent largement sous-estimés, explique ici Emmanuelle Severino. Comment l’action publique peut-elle encourager la prise de parole masculine et combattre une stigmatisation aux conséquences dévastatrices ? Doivent-elles aller jusqu’à adapter les services d’aide et de soins aux besoins, pratiques et langages des hommes réticents à rechercher de l’aide ?  

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