Comment le semoir en lignes a changé notre vie

Par Andrew Benson Brown
15 mai 2024 15:26 Mis à jour: 15 mai 2024 15:26

Le mode de vie moderne se distingue nettement de celui d’autrefois par le fait que nous ne passons pas notre vie à nous assurer qu’il y a assez à manger.

Il y a un peu plus d’un siècle, la plupart des gens travaillaient encore à la ferme. Même pendant la période coloniale, l’agriculture ressemblait beaucoup à ce qu’elle était depuis l’époque romaine. Semer nécessitait tellement de travail que les ménages ne pouvaient pas produire de récoltes au-delà du niveau de subsistance de base sans une aide importante (rémunérée ou non). Non seulement le travail était pénible, mais il était aussi inefficace. Après avoir creusé des sillons dans le champ, les paysans y répandaient des poignées de graines, espérant que certaines prendraient racine. Comme les graines n’étaient pas parfaitement alignées, les rangs poussaient de manière irrégulière.

Jethro Tull a changé tout cela en 1701. Il est à juste titre considéré comme l’homme qui a lancé la révolution agricole en inventant le semoir en lignes. On connaît moins bien l’histoire de ceux qui l’ont suivi, des agriculteurs qui ont apporté de petites, mais importantes, innovations à ce dispositif qui a révolutionné notre mode de vie.

Qu’est-ce qu’un semoir en lignes ?

Portrait de Jethro Tull (1674-1741), XVIIIe siècle, par un artiste inconnu (Domaine public)

Bien qu’étant Anglais, Jethro Tull a eu une influence considérable sur la population américaine. Dans sa jeunesse, il étudie l’orgue, puis se tourne vers le droit pour exercer sa profession, avant d’abandonner le droit pour l’agriculture. Dans son livre Horse-hoeing Husbandry (1731), il écrit qu’il n’aurait jamais imaginé que ses premières connaissances musicales lui donneraient l’idée des « premiers rudiments d’un semoir en lignes ».

Jethro Tull a construit un nouveau système mécanique : après avoir creusé des sillons peu profonds, il fait tomber des graines dans des rangées régulièrement espacées, de la même manière qu’une table d’harmonie laisse passer l’air dans les tuyaux d’orgue. Son modèle original était conçu pour être poussé manuellement et ne semait qu’une seule rangée. Plus tard, des versions plus complexes tirées par des chevaux ont permis de semer jusqu’à trois rangées à la fois.

Comme il s’agissait du premier outil agricole comportant des pièces mobiles, l’invention de M. Tull était délicate et peu pratique à produire jusqu’à ce que les méthodes de fabrication progressent au cours du XIXe siècle. À cette époque, les progrès en agriculture commencent à se déplacer de l’autre côté de l’Atlantique.

L’Amérique s’empare du champ

Planche VI de Horse-Hoeing Husbandry, 1762, par Jethro Tull. Internet Archive (Domaine public)

En 1841, Samuel et Moses Pennock ont breveté un semoir à sept rangs, l’une des nombreuses machines agricoles qui ont connu le succès dans leur État de Pennsylvanie. Un client a écrit aux deux hommes pour leur dire que leur semoir « est la machine qui économise le plus de travail que j’ai jamais vue » et qu’il faisait le travail de « douze chevaux et de cinq bons hommes ».

Par la suite, de nombreux fabricants de semoirs en lignes ont commencé à apparaître pour répondre aux besoins spécifiques des différentes régions et des différents champs. Pour semer du blé entre les rangs de maïs, par exemple, les agriculteurs tiraient à l’aide d’un cheval un semoir avec une aile ronde pour éviter d’endommager les plantes. À la fin du XIXe siècle, on comptait près de 50 entreprises concurrentes.

La lutte contre les oiseaux

La plus mémorable de ces réussites est celle des frères Van Brunt. George et Daniel étaient confrontés à un problème commun à tous les agriculteurs du Wisconsin : les oiseaux, et plus précisément les pigeons voyageurs. Bien qu’ils soient aujourd’hui disparus, ils étaient très répandus à l’époque. Nichant dans la région des Grands Lacs, ils terrorisaient les champs du Nord en arrivant par milliers pour dévorer les graines dès qu’elles touchaient le sol.

Couvrir les semences était une tâche distincte de celle de les semer. Plusieurs innovateurs ont tenté de trouver des solutions pour différentes cultures. Jethro Tull utilisait une barre de traction pour couvrir ses graines de sainfoin. Le brevet des frères Pennock décrivait leur espoir que la « terre meuble, retombant dans le sillon » ouvert par leur semoir, couvrirait « toutes les graines déposées au fond ». Les solutions de rechange au semis, qui consistaient à utiliser une roue pour propulser les semences ou à les faire tomber d’une boîte allongée, n’utilisaient aucune méthode pour les recouvrir. Celle-ci se faisait par la suite par un « hersage » manuel du sol, qui risquait d’enfouir trop profondément les semences. Une couverture trop superficielle, en revanche, exposait les graines aux forces de la nature. D’où le problème des pigeons pour les frères Van Brunt.

Un jour en 1860, George sculpte un navet et le montre à Daniel. Ce légume violet, une fois construit à l’échelle, creuserait des sillons, y déposerait une quantité mesurée de graines de céréales et les recouvrirait avec une chaîne de traction avant que les pigeons ne puissent envahir le champ.

En prenant le navet comme modèle, les frères Van Brunt se sont mis à construire sept de ces semoirs « à alimentation forcée » dans leur atelier. Après plusieurs années, l’atelier s’est transformé en usine. Bien que George soit parti au moment où son rêve de navet se transformait en calcul, Daniel a fait de l’entreprise l’un des fabricants de semoirs les plus lucratifs du pays. En 1911, John Deere l’acquiert et rebaptise la machine semoir à grains « John Deere-Van Brunt » qui porte encore aujourd’hui ce nom officiel.

Appréciez ce que vous mangez

The Plough-Team, entre 1840 et 1897, par Edward Woutermaertens (Domaine public)

Au XXe siècle, les semoirs ont été entièrement mécanisés, ce qui a permis de se passer du cheval. Bien que de nouveaux perfectionnements ont permis d’améliorer l’efficacité, l’invention reste essentiellement la même que celle mise au point par les premiers pionniers.

La plupart des citadins n’ont qu’une vague idée du processus complexe qui se cache derrière les choses qu’ils avalent. Il est triste de constater qu’à une époque où la production alimentaire de masse n’existait pas encore, une légère variation dans une étape de l’ensemencement pouvait signifier des ventres vides. Le fait de savoir que nos vies aisées sont le produit récent de générations d’âpres privations peut donner aux légumes fades un goût un peu plus agréable.

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