Le chaînon manquant entre Scream et Austin Powers existe, et c'est à rattraper d'urgence
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Le chaînon manquant entre Scream et Austin Powers existe, et c’est à rattraper d’urgence

Par Clément Costa
13 mai 2024
MAJ : 16 mai 2024
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Entre parodie, horreur et sous-texte queer, Psycho Beach Party de Robert Lee King est une pépite culte qui mérite la (re)découverte.

Sorti dans l’indifférence générale en 2000 avant de gagner progressivement le statut d’œuvre culte, Psycho Beach Party de Robert Lee King est un long-métrage particulièrement déconcertant à première vue. Le film présente une richesse stylistique folle, à la fois pastiche des mélodrames des années 50 et parodie enjouée du slasher des années 80, le tout avec une esthétique grotesque condensant les fantasmes les plus excessifs des années 60.

Mais si cette adaptation d’une pièce de Charles Busch a gagné une telle popularité au fil des années, c’est parce que son récit est aussi drôle qu’intelligent. Derrière ses airs de simple comédie adolescente qui ne fait pas dans la finesse, Psycho Beach Party joue tant avec les genres cinématographiques qu’avec la question du genre. Voyons pourquoi cette pépite visionnaire est toujours si brillante vingt-quatre ans plus tard.

 

Psycho Beach Party : photoAlerte à Malibu, nouvelle génération

 

SCREAM KINGS

À la fin des années 90, le cinéma métatextuel et les parodies envahissent les écrans. Parmi les films les plus mémorables de cette époque, citons le choc Scream de Wes Craven qui va totalement redistribuer les cartes du slasher. Du côté de la pure parodie, c’est Austin Powers de Jay Roach qui marquera particulièrement les esprits. C’est dans un tel contexte de légèreté et de transgression des genres que débarque Psycho Beach Party à l’aube des années 2000. Le film se place pile à la croisée des chemins en proposant tant une relecture méta du genre horrifique qu’une parodie du cinéma des années 60.

Du côté des inspirations formelles, Robert Lee King semble également embrasser la folie visuelle du Panic sur Florida Beach de Joe Dante – les deux longs-métrages se déroulent d’ailleurs en 1962. Autant dire qu’avec une telle filiation, il y avait largement de quoi espérer un long-métrage visuellement travaillé et à l’écriture riche en niveaux de lecture. Par bonheur, ce sont exactement ces qualités qui permettent de définir Psycho Beach Party.

 

Psycho Beach Party : photoLa reine de la glisse

 

En apparence, tous les codes du slasher semblent présents dans le film. On suit une bande de jeunes gens avec les hormones en feu, un tueur mystérieux commence à la massacrer un par un, le tout en proposant des meurtres créatifs à la mise en scène ludique. S’il s’amuse évidemment des clichés attendus, le cinéaste aborde cependant ce sous-genre horrifique avec beaucoup de bienveillance et de sincérité. C’est en grande partie cette authenticité qui fait tout le plaisir contagieux du long-métrage.

Dans son rapport à l’humour, Psycho Beach Party joue sur plusieurs tableaux. On a tout d’abord les dialogues remplis de sous-entendus et les blagues adolescentes graveleuses. Mais le réalisateur compte également sur une approche comique purement visuelle, qui repose avant tout sur la mise en scène, ainsi que sur son esthétique grotesque totalement assumée. Le jeu volontairement outrancier de tout le casting vient d’ailleurs renforcer l’efficacité de cette comédie camp hilarante.

 

Psycho Beach Party : photoScooby-Doo à la plage

 

ALL INCLUSIVE

Avec son tueur en série obsédé par la différence, qui ne tue que les personnes souffrant d’une maladie chronique ou d’un handicap, Psycho Beach Party aurait pu facilement tomber dans la moquerie bas de gamme. Fort heureusement, c’est tout le contraire que nous propose Robert Lee King. Son film est plutôt une ode à l’inclusivité, particulièrement en avance sur son temps pour une comédie des années 2000.

Tout d’abord le cinéaste prend le temps de filmer des corps différents avec beaucoup d’humanité et de bienveillance. Certains personnages vont d’ailleurs compenser leur handicap par une force mentale démesurée, à l’image de Rhonda qui renverse les rapports de force par la dureté de ses mots. Elle incarnera même l’archétype de la « queen bee » dans son groupe d’amis.

 

Psycho Beach Party : photoUn groupe plus inclusif qu’il n’y paraît

 

Plus important encore, le long-métrage ne cessera de prouver que la marginalité sommeille chez tous ses personnages. Psycho Beach Party raconte avant tout l’illusion de la perfection et de la norme. Les surfeurs ne sont pas les caricatures ambulantes d’hommes blancs hétérosexuels qu’ils semblent être à première vue. Idem pour Monika Stark, la policière faussement stricte et rigide, incarnée avec brio par l’auteur et drag queen Charles Busch, à qui l’on doit la pièce d’origine.

Cette fausse normalité vient également déconstruire l’idée d’un idéal absolu. On retrouve notamment cette idée avec le personnage de Bettina Barnes, actrice de séries B ridicules qui ne l’exploitent que pour son physique. Plutôt que d’en faire un cliché de bimbo écervelée, le cinéaste nous présente une femme complexe, en quête d’une création artistique rigoureuse. Dès sa première séquence, on la voit débattre autour de Nietzsche et du féminisme, cassant totalement le stéréotype qu’elle pouvait sembler être.

 

Psycho Beach Party : photoNe jamais se fier aux apparences

 

FILM DE GENRE(S)

L’immense qualité du film, c’est sans aucun doute sa capacité à aborder sous couvert de comédie les questions de l’orientation sexuelle et du genre. Des thématiques progressistes qui expliquent sans doute en partie pourquoi le public a été à ce point décontenancé lors de la sortie en salles. En effet, les comédies adolescentes se basent très souvent sur la thématique des premiers émois sexuels. Mais c’est surtout un genre particulièrement hétéronormé.

Non content de tourner en ridicule la misogynie inhérente au genre, Psycho Beach Party parle avant tout de vivre sa sexualité librement, sans se soucier du regard des autres. On perçoit ces thématiques chez de nombreux personnages. La romance refoulée, mais évidente entre deux surfeurs en est l’illustration parfaite. Même l’héroïne Florence entretient une ambiguïté érotique évidente envers sa meilleure amie au-delà de la romance naissante entre elle et Starcat.

 

Psycho Beach Party : photoIdentité ou uniforme, il faut choisir

 

Le film de Robert Lee King parle également avec intelligence de la difficulté à assumer son identité et son désir. La complexe Ruth Forrest incarne à elle seule les dangers de s’enfermer dans un rôle de composition pour correspondre à l’image parfaite de ce que l’on attend d’une mère américaine. Citons également le faussement mystérieux Kanaka, considéré comme le mâle Alpha par tous les jeunes hommes de la ville, mais qui rêve en secret d’une sexualité que ces mêmes hommes qualifieraient de déviante.

Il y a dans Psycho Beach Party une force émotionnelle indéniable. Derrière la comédie déjantée, on perçoit certains messages bien moins enjoués. À l’image de ce double twist final que l’on pourrait limiter à une simple blague méta plutôt efficace. Difficile cependant de ne pas percevoir en sous-texte un parallèle glaçant entre le traitement psychiatrique archaïque infligé à Florence et les thérapies de conversion. Si le film est souvent cité parmi les grandes comédies queer, c’est justement pour le courage avec lequel il aborde ce genre de sujets.

Au final, le long-métrage de Robert Lee King aurait déjà été très efficace même s’il s’était limité à son aspect de comédie potache à l’esthétique rétro. Mais Psycho Beach Party est avant tout un grand film inclusif qui célèbre une vision du genre et du désir qui s’affranchit des normes. Une grande fête colorée et explosive qui pourrait aisément placer le film parmi les héritiers les plus brillants et réjouissants du Rocky Horror Picture Show.

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LouiG

Quel kif ce film. J’ai toujours mon dvd cdiscount ^^