« Megalopolis » de Coppola : à quoi faut-il s’attendre ?
Interview

Jean Labadie : « “Megalopolis” va vous surprendre tout le temps »

INTERVIEW. L’énigmatique film événement de Francis Ford Coppola sera projeté le 16 mai en compétition officielle au Festival de Cannes. Son distributeur français se confie en exclusivité au « Point ».

Propos recueillis par

Adam Drive dans Megalopolis, de Francis Ford Coppola.
Adam Drive dans Megalopolis, de Francis Ford Coppola. © Le Pacte

Temps de lecture : 6 min

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J-6 avant la découverte du méga attendu Megalopolis au prochain Festival du film de Cannes. Comme souvent avec Francis Ford Coppola, tout est sur la table pour nourrir l'épopée d'un triomphe ou d'une déculottée sur la Croisette : un gros budget financé entièrement – ou au moins en partie – sur les deniers du maestro, une liberté totale sans le contrôle d'un studio, la promesse d'un spectacle cassant les codes et novateur, un cinéaste au soir de sa vie, mais sans peur face aux détracteurs.

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Note dramatique supplémentaire : la disparition récente d'Eleanor Coppola, documentariste et femme de Francis depuis plus de soixante ans, le 12 avril dernier, à 87 ans. Quel que soit le résultat de ce satané film, il marquera l'histoire du cinéma, derrière si ce n'est devant la caméra. Quand Coppola fait tapis, on s'incline en disant – espérons-le – merci.

Distribué à la rentrée prochaine en France par Le Pacte, comme l'annonçait en exclusivité Le Point le 23 avril, Megalopolis sera un blockbuster d'auteur, réinterprétation high-tech du récit par le Romain Salluste de La Conjuration de Catilina. Transposée dans l'Amérique d'un futur proche, l'intrigue mobilise en tout cas un casting cinq étoiles. Hormis Adam Driver dans le rôle de l'architecte visionnaire d'une mégalopole inspirée de New York (New Rome) et Giancarlo Esposito dans celui d'un édile corrompu, l'affiche regorge de talents prestigieux : Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Jason Schwartzman, Talia Shire (sœur de Coppola), Dustin Hoffman…

Ils ont tous accepté de suivre l'ex-général du Nouvel Hollywood dans sa tentative de reconquête d'un 7e art qui n'a jamais cessé de l'obséder. Au point de se mettre en danger, à 85 ans, dans cette superproduction faite maison qui a dérouté une partie de ses spectateurs lors de sa toute première projection à Los Angeles, devant un parterre d'invités triés sur le volet.

Président fondateur de la société Le Pacte, Jean Labadie confie au Point Pop quelques coulisses de sa négociation avec Coppola et ce qu'il faut attendre d'un film qui, on le souhaite, marquera une nouvelle consécration de César Coppola plutôt que la chute définitive de son empire. On entend déjà certains aiguiser leurs lames sur les réseaux sociaux et railler les images – pourtant intrigantes – du tout premier extrait dévoilé récemment par Le Pacte. O Tempora, O mores !

Le Point : Quand avez-vous vu Megalopolis pour la première fois ?

Jean Labadie : Je l'ai découvert à Los Angeles voici environ deux semaines dans la salle de projection de la société Imax. À Cannes, la première projection du film aura d'ailleurs lieu pour la presse quotidienne le matin du 16 mai, dans la salle Imax du Cineum Cannes-La Bocca. Avant de voir le film, j'avais déjà fait une proposition à American Zoetrope [la société de Francis Ford Coppola, NDLR], qui avait été approuvée sur le principe. J'ai vu le film une seconde fois récemment lors d'une projection organisée pour les équipes de Goodfellas [la société de Vincent Maraval, responsable des ventes internationales de Megalopolis, NDLR], dans la salle Imax du Pathé Quai-d'Ivry.

Pourquoi pensez-vous avoir été choisi ? Qu'avez-vous mis sur la table qui a fait la différence avec vos concurrents ?

Comme vous pouvez l'imaginer, on ne peut pas divulguer les conditions d'acquisition. C'était un accord classique et un contrat très simple d'une vingtaine de pages en incluant le bla-bla traditionnel. Ce fut une négociation plutôt aisée, mais j'ai été heureusement soutenu par deux hommes qui ont été mes parrains dans le processus : Thomas Langmann et Paul Rassam. À partir de là, je laisse chacun rêver sur les sommes !

Sur la date de sortie de Megalopolis en France, je ne peux encore rien confirmer puisqu'une clause de « hold back » stipule que nous nous engageons à attendre la sortie américaine du film pour le distribuer dans les salles françaises. Ce sera probablement la même semaine pour éviter le piratage. Il n'y a que vingt-deux salles Imax en France et c'est très loin de couvrir le territoire. Nous le sortirons donc dans toutes les meilleures salles possibles, avec des engagements de la part des exploitants à respecter les conditions techniques de projection exigées par Coppola.

À LIRE AUSSI Festival de Cannes : la sélection de la 77e édition dévoiléeSans rien en déflorer, à quoi s'attendre avec Megalopolis ?

C'est un film qui va vous surprendre tout le temps, à la fois par le récit et par la forme. Il ose toutes les audaces et je défie les spectateurs de prédire ce qui va se passer d'une séquence à l'autre, c'est une approche inimaginable dans le cinéma aujourd'hui, ce qui ne vous empêchera pas de ressentir une émotion et une stimulation intellectuelle extraordinaires, tant le film parle de notre société d'aujourd'hui et de demain. Megalopolis parle de nos vies, de la politique, de la science, du temps, de la famille, de la création, de la trace qu'on laisse… Autant de thèmes dont le cinéma de Coppola est familier.

C'est surtout un film très spectaculaire avec un univers visuel inédit. Son histoire est basée sur un récit qui a traversé les siècles puisque le point de départ est inspiré du récit de la conjuration de Catilina par l'historien Salluste [un complot politique visant la prise du pouvoir à Rome en 63 avant Jésus-Christ par le sénateur Lucius Sergius Catilina ; Salluste a publié son ouvrage historique en 43 avant J.-C., NDLR]. Megalopolis est un film d'une richesse et d'une ambition incroyables. Vous y entendrez des dialogues en anglais et en latin, mais il est accessible au grand public, il faut juste se laisser aller.

S'il est accessible au grand public, comment expliquer que les grands studios lui aient tourné le dos ?

Tout d'abord, les structures de fonctionnement des studios sont si lourdes qu'ils n'achètent presque jamais un film qu'ils n'ont pas initié eux-mêmes. Et de toute façon, ils ne sont plus les mêmes compagnies qu'ont connues Coppola, Scorsese ou Spielberg au début de leurs carrières. Les majors sont désormais dirigées par des gens qui suivent avant tout le cours de la Bourse. Regardez les rumeurs actuelles autour du rachat de Paramount par Sony. Si un studio recevait aujourd'hui les scripts de Panique à Needle Park, Macadam Cowboy ou Conversation secrète, il refuserait de le distribuer et c'est bien dommage, tout cela appauvrit la création.

Je n'ai rien contre Barbie, je suis toujours content dès qu'un film est un succès populaire mais, clairement, Megalopolis, ce n'est pas Barbie. J'ai en tout cas une confiance énorme dans le public, il faut lui faire confiance, il est beaucoup plus intelligent que ne le pensent certains professionnels du secteur et Megalopolis a tout pour plaire à un large public en salle. Oui, il s'adresse évidemment aux cinéphiles, mais il est spectaculaire dans tous les sens du terme et il devrait toucher beaucoup de monde.

À LIRE AUSSI Du pire au meilleur, nous avons classé les dix films de « La Planète des singes » Quels sont les autres distributeurs du film en dehors du Pacte et de Goodfellas pour les droits internationaux ?

C'est ce lundi [13 mai, NDLR] que sera révélée la liste des quatre autres distributeurs européens de Megalopolis en dehors du Pacte, pour l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre et l'Espagne, tous choisis les uns après les autres par Francis Ford Coppola, sur les avis de son associé et avocat Barry Hirsch et aussi de Paul Rassam, qui est toujours son véritable conseiller. Nous, distributeurs, avons tous la conviction qu'il s'agit d'un film destiné à un large public.

Que ressentez-vous à l'approche de la projection cannoise en compétition ?

Pour le cinéphile que je suis, c'est une excitation incroyable et une opportunité extraordinaire d'être le distributeur de l'un des films les plus attendus du Festival de Cannes. C'est un film qui marquera énormément, j'en suis certain. Il représente un grand risque artistique et économique et je trouve fantastique que Francis Ford Coppola continue de prendre des risques inouïs et d'aller à ce point à l'encontre des grands studios avec leurs produits formatés. Avec ses propres moyens, en toute liberté, avec un film novateur au budget annoncé de 120 millions de dollars. À part Oppenheimer, rares sont les films financés à 100 % par les studios qui ne doivent pas plier sous les compromis artistiques.

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Commentaires (4)

  • Mr White

    Très très excité par la sortie de ce film, j’ai vraiment hâte !
    D’après ce qu’on en dit, il semble qu’il faudra faire quand même preuve d’un peu de tolérance et d’ouverture d’esprit. L’amour et la passion - pour les films et dans la vie - n’est pas toujours le résultat d’un coup de foudre. Ça n’enlève rien à la valeur de la passion qui peut surgir.

  • Mr White

    Je ne comprends pas l’intérêt du commentaire de Guy Bernard puisqu’il n’a rien à voir avec le film de Coppola, mais je ne suis pas d’accord avec votre sarcasme et je ne trouve rien de criticable à ce qu’il a dit. Je n’ai pas vu Barbie, mais Oppenheimer est quand même très surestimé à mon avis, A Haunting in Venice est soporifique, et The Killers of the Flower Moon n’a rien d’extraordinaire.
    On a le droit de critiquer le travail de géants du cinéma, ils ne sont (malheureusement) pas infaillibles.

  • Bashing Premier

    @Guy Bernard : c'est parce que vous êtes tellement au-dessus de tous ces réalisateurs, ces auteurs, ces artistes... Comment d'obscurs cafards pourraient-ils procurer du plaisir à un génie omniscient tel que vous ?