Situation explosive en Nouvelle-Calédonie : des renforts attendus pour éteindre l’incendie

Situation explosive en Nouvelle-Calédonie : des renforts attendus pour éteindre l’incendie

L’annonce de l’élargissement du corps électoral a fait rejaillir les tensions sur l’île. En attendant le vote à l’Assemblée nationale, ce mardi, les autorités ont envoyé du renfort depuis Paris.

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Temps de lecture : 4 min

Des tirs sur les forces de l'ordre, des magasins pillés, des familles de gendarmes et d'élus évacuées après que leurs maisons ont brûlé… En Nouvelle-Calédonie, la nuit du 13 au 14 mai a été explosive. Une partie de la population désapprouve violemment le projet du gouvernement français, qui souhaite le dégel du corps électoral sur l'île. Ce dégel est examiné ce mardi par l'Assemblée nationale, qui doit se prononcer sur une révision de la Constitution.

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Jusqu'à présent, seules les personnes ayant vécu en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998 (et leurs enfants) pouvaient participer au scrutin. Si elle est approuvée, cette révision permettra à davantage de personnes de voter en Nouvelle-Calédonie, notamment des résidents de plus de dix ans sur l'île. Plus de 25 000 personnes pourraient ainsi voter pour la première fois, soit une augmentation de plus de 14 % du corps électoral. Une mesure « démocratique », estime le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Mais les indépendantistes kanaks – le peuple autochtone de l'île – tiennent à la spécificité de leur régime, assez restrictif, et souhaitent garder le plus de contrôle possible sur leurs terres.

Une profonde revendication politique

Dans la nuit de lundi à mardi, la violence est montée d'un cran : 54 gendarmes et policiers ont été blessés et 82 personnes ont été interpellées. « On est proches de l'insurrection », s'alarme un gradé de la gendarmerie. Depuis la France, les scènes peuvent rappeler celles de juin 2023, déclenchées à la suite de la mort du jeune Nahel un peu partout sur le territoire. Alors, de Nouméa à Nanterre : même combat ? Pas vraiment, estiment les acteurs interrogés par Le Point, pour qui l'épaisseur des revendications politiques des Kanaks a peu à voir avec la légèreté avec laquelle les jeunes émeutiers de métropole ont pillé et saccagé certains quartiers.

En réponse à ces heurts, le Premier ministre, Gabriel Attal, a lancé un appel au calme. Un déplacement de Gérald Darmanin n'est pas prévu, d'autant plus compte tenu de l'attaque meurtrière d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure, qui a eu lieu mardi après-midi. La ministre des Outre-mer, Marie Guévenoux, reste pour l'instant à La Réunion, où elle rencontre une délégation syndicale ce mardi. Les touristes, eux, annulent leurs vacances et l'île se prépare à une nouvelle nuit de débordements.

À Paris, l'exécutif s'inquiète de cette poussée de violence. « Je ne vois pas de sortie de crise pour l'instant », explique un gradé. Ainsi, plusieurs escadrons de gendarmerie s'apprêtent à décoller pour l'aéroport de La Tontouta, près de Nouméa, où les vols commerciaux ont été annulés par la compagnie aérienne locale. L'aéroport est gardé en permanence par les forces de l'ordre. De toute façon, il est pratiquement impossible d'accéder à Nouméa car de nombreux barrages se trouvent sur la route.

Ces renforts de gendarmerie doubleront les effectifs sur place, qui peinent à contenir les émeutiers. Des poches d'habitants se sont organisées dans certains quartiers à Nouméa et aux alentours pour empêcher les émeutiers de venir les piller. Comme les gendarmes, certains auraient essuyé des tirs. « Quand on voit des habitants constituer des milices de protection, ça devient très chaud », souffle ce gradé passé par la « Calédo ». Et qui en connaît le contexte périlleux : « C'est une île avec assez peu de routes, vite bloquables, longue de 500 kilomètres de long, sur laquelle on peut difficilement se déployer. »

L'île est majoritairement sous le contrôle des gendarmes, hormis la ville de Nouméa, qui dispose d'un commissariat de police, lequel gère aussi l'aéroport. « Nous faisons face à une situation très tendue », s'inquiète Cédric Boyer, délégué Alliance Police nationale pour les Drom-Tom, qui suit les heurts au jour le jour. La ville de Nouméa est cernée de barricades et l'accès à l'aéroport est très difficile. Un couvre-feu a été instauré par les autorités du mardi 14 mai à 18 heures (heure locale, 9 heures à Paris) jusqu'au mercredi 15 mai à 6 heures. Les lycées et les écoles ont été fermés.

Deux forces vives composent la base contestataire : des groupes, plutôt pacifiques, de militants historiques au nord de l'île et des grappes de jeunes déterminés, violents, principalement à Nouméa. « Ils sont moins politisés, mais ils sont très organisés, note Fabrice Deangeli, secrétaire territorial d'Alliance Police en Nouvelle-Calédonie. On n'a pas connu pire situation depuis 1988 [NDLR : et la prise d'otages d'Ouvéa après une succession d'incidents violents]. »

« Ça peut partir fort »

La CRS 8, la fameuse compagnie de sécurisation antiviolences urbaines, a été envoyée, ainsi que le Raid. De l'armement ainsi que des moyens de défense pour les policiers s'apprêtent aussi à être acheminés. Problème, d'ordre pratique : le trajet sera très long. A minima d'une vingtaine d'heures, voire plus selon l'escale, pour avaler les 17 000 kilomètres qui séparent le territoire de la métropole… Le retour au calme va forcément souffrir de ce délai.

« Depuis la métropole, on a souvent une vision “carte postale” des îles, remarque Cédric Boyer. Pourtant, les Drom-Tom font partie des départements les plus criminogènes de France ! En Nouvelle-Calédonie, on rencontre surtout des problèmes de violences intrafamiliales ou liés à la consommation d'alcool. C'est calme, mais quand ça pète, ça peut partir fort. » Dans les colonnes du Point, l'ex-rapporteur du statut de la Nouvelle-Calédonie René Dosière alertait le 10 mai sur un risque d'embrasement. Seule une solution politique permettra d'apaiser les tensions, prédit Cédric Boyer, qui espère que « la raison va reprendre le dessus ».

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Commentaires (15)

  • FLYTOXX

    Le projet gouvernemental permettant de donner le droit de vote après plus de 10 ans de présence sur le Territoire est parfaitement légitime et justifié.
    La brusque flambée de violence par sa brutalité, son ampleur et sa férocité interroge.
    Difficile de ne pas envisager une préparation, une anticipation, une préméditation.
    Manifestement, le Ministre de l’Intérieur a sous-estimé les risques.
    La solution passera forcément, après le retour de l’ordre, par des négociations avec les indépendantistes qui, ne leur en déplaise, n’ont jamais réussi à rassembler sur leur cause une majorité.
    C’est d’ailleurs là l’origine de leur colère.

  • jpleg

    Ce que territoires insulaires nous coûtent de la Corse à la nouvelles Calédonie en passant par les Antilles et tous les autres. Indépendance surtout économique à tous ces territoires !

  • marie luberon

    …. Les anti-indépendance …
    et non …...
    les anti-indépendantistes !