Révélation en Espagne : les fondations de la première grande ville ibérique, Ilici, dévoilées

- Publié le le 15 mai 2024 à 06:00 - Modifié le le 15 mai 2024 à 10:23
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En 2024, des découvertes archéologiques majeures ont été réalisées à l'Alcúdia, près d'Elche, dans le sud-est de l'Espagne, mettant au jour les vestiges de la première grande ville ibérique de Contestania. Ce site, fondamental pour comprendre la civilisation ibérique, révèle une richesse historique qui permet d'apprécier d'une nouvelle manière la complexité et l'ingéniosité de cette société antique.

Les fouilles archéologiques menées à l’Alcúdia par les équipes de l’Université d’Alicante et de l’Université de Murcie ont révélé les vestiges de la première grande ville ibérique de Contestanie, Ilici. Cette découverte à Elche, dans le sud-est de l’Espagne, éclaire d’un jour nouveau la complexité des sociétés ibériques vers 500 avant notre ère, et met en perspective les interactions et l’évolution culturelle dans la région méditerranéenne durant l’Antiquité. Ces résultats ont été publiés dans le cadre du projet « Damas y Héroes. Tras la Ilici ibérica », soulignant l’importance stratégique de ce site, tant pour l’histoire locale que pour l’archéologie préromaine européenne.

Les découvertes structurelles de la cité d’Ilici

Le projet de recherche archéologique « Damas y Héroes. Tras la Ilici ibérica », sous la direction d’Alberto Lorrio de l’Université d’Alicante et Héctor Uroz de l’Université de Murcia, a marqué un tournant dans la compréhension de l’urbanisme et de la société ibériques. Initié en 2017, ce projet ambitieux s’est concentré sur l’exploration de la ville d’Ilici.

Elle se situe dans la ville moderne d’Elche. Les fouilles ont permis de mettre au jour des murs de ville datant d’environ 500 avant notre ère. Il a également permis de découvrir huit pièces attenantes à ces fortifications. Ces structures révèlent la sophistication et la complexité d’Ilici en tant que centre névralgique de la Contestanie.

Il s’agit d’une région historique englobant aujourd’hui les provinces d’Alicante, de Murcie, d’Albacete et de Valence. Les découvertes apportent une lumière nouvelle sur l’importance stratégique et le développement architectural d’Ilici. Elles confirment son rôle de cité majeure dans l’antiquité ibérique.

La préservation exceptionnelle de ces structures est largement due aux mesures prises par les habitants de l’époque pour faire face aux fréquentes inondations. Avant d’abandonner la ville, les anciens résidents ont rempli les intérieurs des bâtiments avec de la terre et d’autres matériaux. Cette pratique a contribué à protéger et à conserver les murs et les fondations des maisons. Elle a facilité la documentation des méthodes de construction utilisées par les premiers Ibères résidant à La Alcudia.

Dans les murs et les zones résidentielles, on observe une architecture hybride combinant des soubassements en maçonnerie et des superstructures en pisé ou en terre battue. Cette même technique était également employée pour ériger d’autres structures, telles que des bancs ou des supports. Ces découvertes représentent la première trace connue de l’Illici ibérique.

Impact historique et sociétal

Ces découvertes permettent de plonger dans le quotidien des élites ibériques qui peuplaient cette région. La mise au jour de la structure urbaine d’Ilici nous donne un aperçu des pratiques résidentielles. On peut également y déchiffrer des aspects socioculturels tels que les commandes d’œuvres d’art, dont la plus emblématique est la sculpture de la Dame d’Elche.

Il s’agit d’une sculpture ibérique datant du Ve siècle avant notre ère, remarquable par son réalisme et son raffinement. Ce buste en pierre calcaire dépeint une femme parée de coiffes complexes et de bijoux exquis, reflétant l’art et la sophistication de la société ibérique ancienne.

La Dame d’Elche. © Francisco J. Diez Martín

Cette découverte témoigne de la sophistication de la société ibérique et de son élite. Elle avait la capacité d’initier des projets artistiques majeurs et de structurer un habitat urbain complexe. Le pouvoir et le prestige se trouvaient probablement consolidés et manifestés à travers la commande d’œuvres d’art et la construction d’espaces urbains élaborés.

L’état de conservation exceptionnel des structures découvertes fournit également des informations précieuses sur les techniques de construction ibériques. Les fondations en maçonnerie et les murs en adobe ou en boue moulée illustrent une maîtrise remarquable des matériaux et des méthodes de construction adaptés à l’environnement local et aux défis climatiques.

Le mur, déjà documenté lors de campagnes précédentes, comporte « des systèmes antisismiques identifiés uniquement dans ce site ». Cela implique une connaissance préalable de ce type de constructions défensives et de leur adaptation au territoire, explique Lorrio. Il souligne que, par ses caractéristiques et sa complexité, « cette construction, ainsi que l’urbanisme associé, répond à une conception préconçue et parfaitement planifiée, en accord avec l’importance de l’agglomération ».

Implications archéologiques et perspectives futures

Selon Alberto Lorrio, le projet « Damas y Héroes. Tras la Ilici ibérica » a donc permis de découvrir des aspects essentiels de la configuration originale d’Ilici. Mais il a aussi établi un cadre méthodologique pour de futures explorations archéologiques. Les informations extraites jusqu’à présent dépeignent une image riche et complexe de la vie ibérique ancienne.

Elles mettent en lumière des pratiques résidentielles, sociales et technologiques jusqu’alors inconnues. Lorrio souligne l’importance de ces découvertes pour comprendre non seulement l’architecture et l’urbanisme de l’époque, mais aussi les hiérarchies sociales et les interactions au sein de la communauté. La prochaine phase du projet impliquera une fouille plus approfondie des habitats. Le but sera de tracer un tableau encore plus détaillé des phases ibériques antérieures. Ils s’intéresseront notamment au développement urbain et à la gestion des ressources.

Héctor Uroz ajoute que cette approche régressive, qui consiste à déterrer les strates successives de l’occupation d’Alcudia, offre une perspective unique sur l’évolution à long terme de la ville.

« Il n’y a aucune autre zone à La Alcudia où la dernière et la première phase ont été identifiées avec toute la séquence intermédiaire. Nous trouvons ici l’évolution complète de l’un des gisements les plus importants d’Espagne », explique le professeur Uroz. Il reste convaincu que cette stratégie permettra de révéler des aspects cruciaux des dynamiques sociétales.

La phase d’excavation se trouve achevée. Les archéologues ont déjà couvert le site pour sa protection. Actuellement, ils ont commencé la phase d’analyse des pièces trouvées en laboratoire.

Source : University of Alicante

À propos de l’auteur
Laurie Henry
Laurie Henry
Diplômée du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris dans le domaine de la biodiversité, Laurie Henry est rédactrice scientifique indépendante. Elle s’intéresse à tout ce qui touche au monde de la science, de la biologie aux dernières technologies, à l’espace, en passant par les avancées médicales et l’archéologie.
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