Burundi-Presse : le directeur technique d’Akeza.Net détenu par les renseignements burundais

Burundi-Presse : le directeur technique d’Akeza.Net détenu par les renseignements burundais

Ahmadi Radjabu est détenu dans un cachot des renseignements burundais dans la ville commerciale Bujumbura depuis le soir du 2 mai dernier. Il a été interpellé au moment où il prenait des images d’un incendie du marché de Ruvumera (même ville). Son médium n’a pas encore été signifié des délits dont notre collègue est soupçonné. (SOS Médias Burundi)

Le journaliste couvrait l’incendie du marché le plus connu au Burundi situé dans la zone de Buyenzi (centre de Bujumbura) qui a été éteint rapidement. Selon nos informations, il a été directement transféré dans les cachots du SNR (Service national des renseignements) à son siège situé dans la capitale économique, après son arrestation.

Un responsable du médium dont Ahmadi Radjabu est salarié qui s’est confié à SOS Médias Burundi sous couvert d’anonymat a confirmé qu’il est « là-bas (cachots des renseignements) », quand notre rédaction l’a contacté.

Selon la même source, Akeza.Net n’a pas encore été signifié des délits dont notre confrère est soupçonné. Mais d’autres sources ont dit à SOS Médias Burundi qu’il serait détenu pour avoir utilisé un drone.

« Au moment de son arrestation, il utilisait un drone. Il était au moins avec un autre collègue de son médium qui avait une caméra. Celui-là n’a pas été arrêté. Ce sont les deux journalistes qui sont arrivés sur les lieux en premier. Aucune explication n’a été donnée », dit un collègue.

Selon nos informations, les responsables d’Akeza.Net ont porté l’affaire devant le CNC (Conseil national de la communication) et la Commission nationale des droits de l’homme (CNIDH). Nous n’avions pas encore eu les responsables de l’organe régulateur et de la controversée Commission des droits humains pour qu’ils nous disent ce qu’ils savent de ce dossier jusqu’au moment de la publication de cet article.

« En principe, il devrait comparaître aujourd’hui ( le 14 mai), je ne sais pas pourquoi ils ont changé ça », a dit à SOS Médias Burundi le responsable qui a parlé sous couvert d’anonymat.

Carte de presse

D’après des sources proches du dossier, Ahmadi Radjabu n’avait pas de carte de presse sur lui quand il a été appréhendé.

« En principe, il a toujours sa carte », a répondu un représentant de son employeur qui a requis l’anonymat.

Utilisation et exploitation de drones

Dans la petite nation de l’Afrique de l’est, les individus et organisations qui disposent de drones doivent payer une somme de 5 dollars comme frais d’enregistrement et 150 dollars d’exploitation annuelle. Ces frais sont versés aux services de l’aviation civile.

Les utilisateurs qui préfèrent ne pas donner un paiement annuel paient 50 dollars par tournage au moment où les abonnés annuels doivent dépenser la moitié par tournage.

Les personnes et organisations qui n’inscrivent pas leur drone aux services de l’aviation civile s’exposent à des sanctions.

Chaque fois qu’un détenteur d’un drone consigné organise un événement ou le couvre, il doit demander une autorisation préalable qui mentionne la date et le lieu où il a lieu. Normalement Akeza.Net utilise des drones dans beaucoup d’événements même dans des cérémonies où participe le chef de l’État.

Explications des agents de terrain

Ce 2 mai 2024 dans la nuit, au moins six journalistes se sont rendus à Buyenzi. Mais ils sont arrivés après qu’Ahmadi Radjabu ait été appréhendé. La police les a bloqués.

« Nous n’avons pas eu accès au marché. Des policiers nous ont dit qu’ils ont arrêté un Congolais qui s’était aventuré à filmer avec un drone », confie un journaliste qui faisait partie de l’équipe.

Que cache la police?

Ahmadi Radjabu ne reçoit pas de visites ni de sa famille , ni de son employeur, selon nos sources.

L’incendie qu’il couvrait avait été provoqué par des engins explosifs posés dans des cabines électriques, ont confié à SOS Médias Burundi des sources policières et commerçants installés à Ruvumera. Samedi dernier, le porte-parole du ministère en charge de la sécurité a montré à la presse locale six hommes suspectés d’être liés « aux attaques terroristes à la grenade dont des explosions du 24 avril dernier dans le nord de Bujumbura à la suite des grenades posées dans des cabines électriques, financées et commanditées par le Rwanda ».

En T-shirt blanc et casquette noire, Ahmadi Radjabu filme dans une cérémonie où participe le chef de l’État, DR

Toutefois, Pierre Nkurikiye n’a pas cité le cas des explosions qui ont causé l’incendie au marché de Ruvumera ni parlé de l’arrestation de notre collègue.

« Cela montre à quel point le métier de journaliste est menacé au Burundi. Qu’un journaliste se fasse arrêter comme un criminel alors qu’il n’exerçait que son métier, c’est absurde », indique un journaliste burundais.

« Mais ce qui fait plus mal c’est qu’un journaliste puisse passer près de deux semaines en détention sans que même son médium n’en parle. Nous avons atteint le niveau le plus critique d’autocensure. La résignation est devenue le mot d’ordre au Burundi que dans certaines situations, ce sont les personnes saines qui finissent par être considérées comme des hors-la-loi », analyse-t-il.

Il estime que « le Burundi a reculé d’au moins 50 années en arrière en matière de droit à la liberté d’expression avec la crise de 2015* ».

Akeza.Net compte saisir d’autres organes si notre confrère n’est pas libéré, a appris SOS Médias Burundi des sources proches du dossier.

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Photo : Ahmadi Radjabu, directeur technique du journal en ligne Akeza.Net détenu par les renseignements burundais

*Crise de 2015: La crise déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza

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