Il s’en passe des choses chez Little Village… J’ai déjà eu de nombreuses occasions d’évoquer les réalisations de ce label californien, marquées par leur excellence d’autant qu’elles sont souvent menées en collaboration avec le studio Greaseland du producteur Kid Andersen. Il serait fastidieux d’établir la liste des artistes « maison », d’autant, même sans suivre au plus près l’actualité du blues, que vous savez sans doute que les albums Little Village sont très régulièrement plébiscités. Et il faudra que je dédie sans trop tarder un article spécifique à l’histoire de la Little Village Foundation (c’est son nom complet), car il se trouve qu’elle a vu le jour il y a tout juste dix ans. Mais je souhaite quand même évoquer aujourd’hui sa démarche, sans doute unique en son genre…

Car, étant à but non lucratif, elle se distingue par une approche qui diffère des labels « classiques », et tout est mis en œuvre pour que les artistes retirent tous les bénéfices des opérations. Son fondateur, Jim Pugh, connu entre autres pour sa longue collaboration aux claviers avec Robert Cray, tenait d’abord à créer une structure à taille humaine, à but non lucratif, en privilégiant la diversité des cultures et des musiques (car il n’y a pas que du blues au catalogue !), et surtout les intérêts des artistes. Il s’en expliquait ainsi dans Blues Blast Magazine du 25 juin 2020 : « À partir de là, certaines de mes connaissances ont émis l’idée de lancer un label discographique qui engloberait tout cela, et qu’il devrait peut-être s’agir d’une entreprise à but non lucratif. J’ai donc pris mon temps. Et c’est pourquoi la Little Village Foundation n’a jamais vendu un seul CD. Tous les bénéfices sont reversés aux artistes, qui conservent la propriété intellectuelle de toute leur œuvre. Les droits des chansons n’appartiennent pas aux labels. Non seulement les artistes ne nous doivent rien, mais ils n’ont rien à payer. La production, les musiciens, le temps passé en studio, la promotion, la fabrication, tous les coûts traditionnellement facturés à l’artiste par la maison de disques n’existent pas chez nous. Tout revient à l’artiste. (…) »

Incroyable, non ? Mais pourtant vrai, car la Little Village Foundation fonctionne uniquement grâce aux dons ! Dès lors, c’est peut-être la raison pour laquelle les artistes, rassurés par un tel confort, enregistrent des disques d’un tel haut niveau… D’autant, comme le précise plus loin, que Pugh n’empêche pas les artistes d’aller voir ailleurs : « Bien des artistes que nous avons enregistrés ne l’auraient pas fait dans d’autres circonstances. Mais bon nombre de ceux qui l’ont fait ont ensuite réalisé des disques pour d’autres labels. Contrairement à bien des compagnies discographiques qui proposent en quelque sorte des contrats à long terme ou pour plusieurs disques, nos artistes restent libres. S’ils veulent s’engager pour un plus gros label, une véritable maison de disques, je soumets ce critère aux donateurs potentiels. On a fait un album avec Chris Cain, il est désormais chez Alligator. Idem pour Kevin Burt, maintenant chez Gulf Coast Records, le label de Mike Zito, et la chanteuse Whitney Shay, chez Ruf Records. Au moins une demi-douzaine de nos vingt-cinq artistes [nda : en 2020] ont signé pour d’autres labels. C’est vraiment super. »

En attendant donc un article plus étoffé, ce préambule était nécessaire car la démarche de Little Village me semble plus que louable dans un secteur essentiellement mû par le profit. Et comme l’activité se poursuit, passons à quelques nouveautés à venir.
– Le 30 juin 2024 : Curtis Salgado avec « Fine By Me ». Le chanteur (et harmoniciste) de soul blues nous revient avec un album composé de douze chansons. Accompagné de la « fine équipe » du label, il s’offre deux invités prestigieux : Robert Cray sur un titre et Anson Funderburgh sur deux autres !
– Le 5 juillet 2024 : Jubu Smith avec « Jubu ». Il faudra être attentif à l’écoute de ce nouvel album du chanteur et guitariste au son incroyable, cette fois associé au batteur Calvin Napper et au protéiforme Charlie Hunter (portrait à lire dans le numéro 254 de Soul Bag).
– Le 2 août 2024 : Kid Andersen avec « Spirits » et Lisa « Little Baby » Andersen avec « Soul ». On connaît Kid Andersen, multi-instrumentiste et propriétaire du studio Greaseland (dans lequel il transforme en or presque tout ce qu’il touche), sans doute un peu moins son épouse Lisa. Ils nous proposent donc un double CD… enfin, chacun le sien, quand même ! À l’équipe habituelle s’ajoutent Charlie Musselwhite, Latimore, Rusty Zinn, June Core, Sax Gordon, Nic Clark et The Sons of The Soul Revivers !
Je ne manquerai évidemment pas de revenir sur chacun de ces albums après écoute.
Photos : © Little Village Foundation.