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Sète, Lille, Oissel... Comment expliquer la succession d’évasions des centres de rétention administrative

Au total, dix-sept migrants se sont évadés de CRA en France en moins de 24 heures, entre le 10 et le 11 mai 2024.
Au total, dix-sept migrants se sont évadés de CRA en France en moins de 24 heures, entre le 10 et le 11 mai 2024. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

DÉCRYPTAGE - Le nombre de personnes en situation irrégulière placées au sein des CRA est plus important. Le profil des rétentionnaires a également varié ces dernières années.

Deux évasions en moins de 24 heures. Vendredi dernier, sept personnes en situation irrégulière se sont évadées du centre de rétention administrative (CRA) de Lille-Lesquin, dans le Nord, a appris Le Figaro de source policière, confirmant les informations d’Actu 17. Le lendemain, c’était au tour du CRA de Sète, dans l’Hérault, d’être le théâtre d’une évasion, avec pas moins de dix personnes retenues qui ont pris la fuite, poursuit notre même source, comme indiqué dans un premier temps par nos confrères de Midi-Libre . Dans les rangs de la police aux frontières (PAF), la colère monte contre le manque de moyens.

Rapt de badge et fuite par le toit

À Lille, de premières tensions ont émergé dès le 8 mai, mais la situation a rapidement été maîtrisée par les fonctionnaires de la PAF. Le lendemain soir, les personnes retenues sont rassemblées dans la zone de vie du centre afin de regarder la rencontre de football entre l'Atalanta Bergame et l'Olympique de Marseille. C’est à la fin du match que les choses dégénèrent. Un groupe de migrants refuse de retourner dans les blocs de chambres, avant que l’un ne brandisse un morceau de verre et ne menace l’un des agents. Il réussit ensuite à s’emparer de son badge d’accès puis prend la poudre d’escampette par la porte principale avec neuf autres individus. Par chance, aucun policier n’a été blessé mais deux, sous le choc, se sont vus prescrire un arrêt de travail.

Selon nos informations, il s’agit intégralement de sortants de prison, c’est-à-dire d’individus présents sur le sol français illégalement, ayant déjà été condamnés par la justice française et en attente d’expulsion dans leur pays d’origine. Ils sont âgés de 21 à 31 ans. Alors que le CRA de Lille-Lesquin, qui a une capacité de 116 places, accueille des individus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme, aucun des fugitifs n’est inscrit au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Une enquête a depuis été ouverte pour «soustraction à une mesure de rétention administrative en réunion», a fait savoir la procureure Carole Étienne.

À l’autre bout de la France, l’évasion s’est déroulée en pleine nuit, au CRA de Sète samedi dernier. Le centre est situé dans un bâtiment en pierres classé aux monuments historiques appartenant à l’ancien arsenal de la cité portuaire. Dix des 26 rétentionnaires se sont enfuis par une bouche d’aération située au plafond de l’une des chambres. Ils ont ainsi accédé aux combles puis ont détuiler le toit avant de prendre la fuite par le toit du greffe qui donne un accès direct sur la rue. Les policiers se sont aperçus de mouvements suspects dans les couloirs et sont intervenus empêchant l’évasion d’autres personnes retenues. La particularité du CRA de Sète est qu’il n’existe pas de blocs de chambres, toutes les chambres sont donc communicantes. Selon nos informations, six d’entre eux sont également des sortants de prison. Comme c’est le cas à chaque évasion, la préfecture et les commissariats ont aussitôt été alertés. Dans un premier temps, deux d’entre eux ont été interpellés, notamment en gare de Montpellier. Ils ont été condamnés à huit mois de prison et ont été incarcérés à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Selon nos informations, deux autres ont depuis été arrêtés, à Draguignan et Montbéliard.

Plus nombreux, plus violents

En avril dernier, 10 étrangers en situation irrégulière s'étaient déjà échappés du CRA d'Oissel en Seine-Maritime. Les individus avaient utilisé des draps entre les grilles et les fenêtres puis déchiré les filets de protection afin de s'enfuir. Trois d’entre eux avaient été arrêtés dans la foulée. Le même mois, un homme s’était échappé du CRA de Cornebarrieu en Haute-Garonne, à la suite d’un incendie de matelas. Trois autres individus avaient quant à eux été rattrapés de justesse sur les toits de l’établissement.

Comment expliquer cette succession d’évasions ces dernières semaines ? Il faut d’abord noter que le nombre de migrants enfermés dans les CRA a augmenté en 2023, tout comme la durée moyenne (28,5 jours) passée dans ces établissements. Selon un rapport de La Cimade et France terre d'asile, 46.955 personnes ont été enfermées dans des CRA en 2023, contre 43.565 en 2022. En parallèle, depuis 2022, le ministère de l’Intérieur a demandé que le placement en centre de rétention administrative soit ordonné en priorité aux personnes en situation irrégulière déjà sous main de justice, face aux individus sans casier qui doivent toutefois quitter le territoire car présent de façon illégale. Par conséquent, les policiers encadrent une population plus violente qu’auparavant. «Les rétentionnaires ont désormais régulièrement déjà été condamnés pour violences intrafamiliales, vols par effraction, rébellion», liste auprès du Figaro Cédric Castes, délégué national PAF du syndicat Unité. Rassembler ces profils au sein d’un même établissement favorise les troubles à l’ordre public».

«On ne fait rien pour les aider»

Face aux actes de rébellion ou aux attaques violentes, les fonctionnaires sont munis de casques, de boucliers, de matraque et de Taser mais ne doivent s’en servir qu’en cas de légitime défense avérée. Avec le risque de se le faire subtiliser et de se faire retourner l’arme contre soi. «En général, tu les laisses se défouler», soupire le syndicaliste. Ce dernier ne s’oppose pas au placement en centre de rétention de ce type de profil, mais réclame des «moyens pour les garder au niveau des risques». Lors de l'évasion de Sète, les policiers présents étaient au nombre de cinq, certains étaient au poste de surveillance tandis que d'autres effectuaient des rondes de nuit autour du centre. À l’échelle nationale, il manque, selon Cédric Castes, 230 effectifs par rapport au minima de référence calculé par le ministère de l’Intérieur. «Les collègues sont démunis. On ne fait rien pour les aider.» Contactés par Le Figaro, le préfet du Nord et le préfet de l’Hérault ont refusé de répondre à nos sollicitations.

Du côté du ministère, on souligne que le nombre d’effectifs a augmenté d’une centaine sur 18 mois, et se poursuit actuellement, avec l’appui de renfort, par exemple d’un escadron de gendarme mobile sur Lyon. En parallèle, les CRA «ont vu progressivement leur capacité d'accueil et de ressources renforcées», avec notamment l’inauguration de nouveaux centres à Lyon et Olivet, dans le Loiret. Ces ouvertures s’accompagnent, assure-t-on, de travaux dans divers centres afin de «répondre aux normes de sécurité et d'accueil».

Sète, Lille, Oissel... Comment expliquer la succession d’évasions des centres de rétention administrative

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31 commentaires
  • Nico_Mi

    le

    Par l’activisme des ONG, tout simplement !!!

  • Nico_Mi

    le

    Par l’activisme des ONG, tout simplement !!!

  • Nico_Mi

    le

    Par l’activisme des ONG, tout simplement !!!

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