La trousse du mystérieux barbier de Louis XI aux enchères en Touraine | Le magazine des enchères

Le 13 mai 2024 | Mis à jour le 13 mai 2024

La trousse du mystérieux barbier de Louis XI aux enchères en Touraine

par Diane Zorzi

La trousse du barbier de Louis XI, Olivier Le Daim dit « Le Mauvais », sera dévoilée aux enchères à l’occasion de la vente Garden Party annuelle des Rouillac le 26 mai au Château d’Artigny à Montbazon, près de Tours. Un témoignage rare contant l’histoire de l’un des personnages les plus mystérieux et romanesques du Moyen Âge…

 

A écouter Aymeric et Philippe Rouillac évoquer les trésors qui, chaque année aux beaux jours, parent les salles du château d’Artigny, l’on songe avec les frères Goncourt que « l’Histoire est un roman qui a été ». Le 36e opus ne fait pas exception. Au chapitre des « têtes couronnées », à côté du scooter sur lequel un ancien Président de la République contait fleurette, figure un coffret à l’histoire palpitante qui, sous la plume de Victor Hugo et Walter Scott, aurait tous les atours d’une pièce à conviction : la trousse du barbier de Louis XI, Olivier Le Daim, dit « Le Mauvais » ou « Le Diable ».

 

Louis XI, l’Universelle Aragne

15 août 1461. Louis XI, fils de Charles VII et de Marie d’Anjou, est sacré roi de France par l’archevêque de la cathédrale de Reims. Très vite, le sixième roi de la branche de Valois rejoint la Touraine et fait ériger à La Riche, près de Tours, le château de Plessis-lèz-Tours où il établira sa résidence et le siège du royaume. « Louis XI était surnommé l’Universelle Aragne, car il avait tissé une toile d’araignée à travers le royaume, raconte le commissaire-priseur Aymeric Rouillac. C’est lui qui fait de Tours la capitale de France, en y plaçant son château, un château dans les caves duquel des cages étaient suspendues, destinées à emprisonner les ennemis politiques… » Le souvenir d’arrestations, tortures et assassinats dont la légende attribue les plus vils à l’éminence grise du roi, Olivier Le Daim, né Olivier de Neckere (1428-1484).

 

Louis XI et Olivier Le Daim, gravure d’Auguste Hadamard publiée dans l’ouvrage d’Alfred Des Essarts, « Les Célébrités françaises. Vies et portraits des rois et reines, connétables, ministres, chanceliers, magistrats, généraux, savants, religieux, marins, poëtes, écrivains, prédicateurs, philosophes, musiciens, sculpteurs, peintres, etc. », Paris, J. Vermot, 1862.

 

Olivier Le Daim, l’éminence grise du roi Louis XI

Ce fils d’un barbier originaire de Gand, dans les Flandres, serait entré au service du dauphin Louis en 1457. Son nom apparaît à partir de 1461 dans les registres de l’Hôtel du roi où il est traduit en français par « Le Mauvais » – en flamand, nekker signifie « le génie malfaisant des eaux » ou « le mauvais esprit ». Très vite, il s’attire les faveurs de Louis XI qui le nomme premier barbier du roi en 1466, avant de l’anoblir en 1474 en substituant à « Le Mauvais », un surnom peu flatteur souvent associé à la dénomination du Diable, celui d’Olivier « Le Daim ». « Olivier de Neckere, devenu Olivier Le Daim, est un exemple flagrant d’élévation sociale. D’extraction modeste, il devient comte de Meulan en 1474 après s’être emparé de la ville de Tournai, et le sommet de sa carrière diplomatique est atteint par la réception, le 5 septembre 1480, du cardinal de Bourbon et du légat du pape, Julien della Rovere, lui-même élu au pontificat en 1503 », précise Brice Langlois, commissaire-priseur au sein de la maison Rouillac. Une réception qui aboutira à la signature le 23 décembre 1482 du traité d’Arras entre le roi Louis XI et le futur empereur Maximilien Ier.

La mort du roi, en août 1483, porte un coup fatal à sa brillante carrière. Alors qu’elle convoque les états généraux le 15 janvier 1484, la fille de Louis XI, Anne de Beaujeu, décide d’écarter trois des favoris du roi. Avec Jean de Doyat et Jacques Coitier, Olivier Le Daim est arrêté, conduit au For-l’Evêque et finalement condamné à la pendaison à la suite d’un procès au cours duquel lui seront reprochés de multiples crimes. Autant de méfaits qui, s’ils sont aujourd’hui remis en question par les historiens, ont bâti la légende du conseiller noir de Louis XI chère aux auteurs romantiques Walter Scott, Victor Hugo et Casimir Delavigne.

 

Trousse dite « d’Olivier Le Daim, barbier de Louis XI » en laiton et cuir sur une âme de bois cloutée. Deux couvercles s’ouvrent par des boutons poussoirs en partie supérieure. Le plus grand découvre trois compartiments, dont deux recouverts d’abattants en laiton gravé. Un compartiment en partie basse. Accompagné de deux documents autographes, dont un relatif à sa provenance. Haut. 8,5 cm, Long. 19 cm, Prof. 6 cm.

 

Un rare coffret au pedigree prestigieux

Le coffret que s’apprêtent à présenter aux enchères les Rouillac témoignent du statut privilégié qu’eut Olivier Le Daim à la cour de Louis XI. Si la trousse contenait les accessoires classiques du barbier (rasoirs, savonnette et linge), elle accueillait également, dans un compartiment secret, de petits objets tranchants, à l’instar de scalpels, destinés à la pratique de la petite chirurgie. « Le barbier du roi ne s’occupait pas uniquement de la barbe, il était également son médecin et procédait à la saignée, preuve de la confiance que lui accordait le souverain », détaille Aymeric Rouillac.

Outre son illustre provenance, l’objet constitue ainsi un rare témoignage des pratiques médicales au XVe siècle. Il attisa d’ailleurs la curiosité d’un médecin, le baron Michel de Trétaigne (1780-1869) qui en fit l’acquisition à la suite du graveur Jean-Baptiste Reville (1767-1825) et du violoniste Alexandre-Charles Sauvageot (1781-1860), un éminent collectionneur du XIXe siècle. « Michel de Trétaigne participa aux campagnes de l’Empire, avant de reprendre du service sous la Restauration comme médecin de l’état-major de Paris », précise Brice Langlois. Le parcours de l’objet a pu être retracé grâce à un document dissimulé dans l’un de ses compartiments, révélant qu’il fut retrouvé par l’un des descendants d’Olivier Le Daim au château de Plessis-lès-Tours. Un test au carbone 14 confirme en outre son authenticité, établissant deux intervalles de datation : le premier entre 1457 et 1529, le second entre 1542 et 1634.

 

 

La découverte de ce coffret au pedigree prestigieux est d’autant plus remarquable que peu d’objets du XVe siècle sont parvenus jusqu’à nous. « Parmi les quelques pièces recensées, note Brice Langlois, le coffret de Jeanne de France (1464-1505), fille cadette de Louis XI, est resté conservé avec ses reliques au monastère de l’Annonciade à Bourges jusqu’à la Révolution, avant d’être offert au musée des Souverains par Jules Dumontet en 1853 » – un coffret du musée du Louvre présenté jusqu’au 17 juin au musée des Beaux-arts de Tours dans le cadre de l’exposition « Le Sceptre et la quenouille, être femme entre Moyen Âge et Renaissance ». « Ces objets sont rarissimes, il y a celui du Louvre, et le nôtre », renchérit Aymeric Rouillac, précisant que les enchères débuteront à 2 000 euros pour cette « évocation de l’un des personnages les plus terrifiants de la Touraine ! »

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