A ECOUTER - 80 ans du Débarquement : revivez la Rencontre DDay de La Haye - France Bleu
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A ECOUTER - 80 ans du Débarquement : revivez la Rencontre DDay de La Haye

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A moins de trois semaines des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement, environ 130 personnes sont venues assister jeudi 16 mai à la quatrième et dernière Rencontre DDay, organisée à la salle de Saint-Symphorien-Le-Valois par France Bleu Cotentin. Revivez les temps forts de la soirée.

Parmi les intervenants de la soirée, Claude Pasturel, 92 ans, a vécu les bombardements de Périers en juin 1944 Parmi les intervenants de la soirée, Claude Pasturel, 92 ans, a vécu les bombardements de Périers en juin 1944
Parmi les intervenants de la soirée, Claude Pasturel, 92 ans, a vécu les bombardements de Périers en juin 1944 © Radio France - Lucie Thuillet

Après Saint-Lô, Carentan-Les-Marais et Cherbourg-en-Cotentin, les Rencontres DDay de France Bleu Cotentin ont fait étape ce jeudi 16 mai à La Haye, à la salle municipale de Saint-Symphorien-Le-Valois. En compagnie de notre consultant historique Régis Giard, cette soirée a été placée sous le signe des témoignages et de la transmission, avec des témoins directs de la Bataille de Normandie, ou indirects via des récits de famille. Réécoutez les grands temps forts de cette soirée.

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Marie-Anne Bouchard : "N'oubliez pas ce qu'ont vécu nos anciens, ça reste un combat"

"Ce soir, je ne vais pas m'exprimer en mon nom, mais au nom de mon père". Son père, Etienne, 18 ans à l'époque, "s'est évadé" (pour reprendre son expression) de France "avec trois amis" le 18 juin 1940 pour rejoindre l'Angleterre. Elle est venue avec deux textes : le discours prononcé par son père lors de la remise des prix du Concours National de la Résistance le 18 juin 2004, et une lettre écrite à sa femme depuis son lit d'hôpital en Italie en 1944, où il revient sur son parcours depuis juin 1940. "Il a parlé après 75 ans, en allant dans les établissements scolaires. Je pense qu'à ce moment là, il a pris conscience de l'importance de transmettre", explique Marie-Anne Bouchard. Dans son texte de 2004, son père écrit un message à la jeunesse : "Vous êtes l'avenir. Sur vous repose l'espoir que survive l'esprit qui animât les Français Libres et les combattants de la Résistance. C'est en pensant à mes camarades tombés à l'âge des rêves, 18 ans, que je vous demande de méditer ces deux vers d'Aragon : "Le sang versé ne peut longtemps se taire. Oublierez vous d'où la récolte vient". La récolte c'est vous, la jeune génération. La liberté et la démocratie ont été rétablies ; elles sont fragiles. Et n'oubliez pas ce que disait Bertold Brecht : "Le ventre est encore fécond de la bête immonde".

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Environ 130 personnes sont venues assister à cette Rencontre DDay, comme Marie-Agnès Legoubey, dont le père est mort en déportation
Environ 130 personnes sont venues assister à cette Rencontre DDay, comme Marie-Agnès Legoubey, dont le père est mort en déportation © Radio France - Lucie Thuillet

Marie-Agnès Legoubey : "Que jamais ça ne recommence, ça pourrit une vie"

Habitante de Lessay, Marie-Agnès Legoubey est venue parler de l'histoire de son père, mort en déportation après avoir été dénoncé en 1942. Bouilleur de cru, il était le père de onze enfants. "Mes parents avaient une amie qui avait un fusil. Elle y tenait. Elle ne voulait pas aller le porter à la Kommandantur. Mon père lui a dit de lui donner. Il l'a caché, mal, probablement, et un peu inconscient du danger", résume-t-elle. Il a été dénoncé, par lettre anonyme. "Je ne sais pas aujourd'hui qui est l'auteur de cette lettre. La seule circonstance atténuante que je pourrais lui trouver, c'est qu'il ne savait pas où ça mènerait", ajoute Marie-Agnès Legoubey. Lorsque les Allemands viennent inspecter la maison, son père était à Vesly, avec un de ses frères aînés : les soldats renversent toute la maison à la recherche du fusil. "En dernier, ils sont allés dans la chambre de mes parents, où était le fusil. Il n'avaient rien trouvé. Et je me souviens très bien, au moment de refermer la porte, il y a un papier kraft qui dépassait de l'armoire. Et le fusil était là", confie la Lessayaise. A son retour, il est parti entre deux gendarmes en descendant le bourg de la Haye-du-Puits. La prison de Coutances, celle de Saint-Lô où il est condamné par un tribunal allemand, puis Fresnes, l'Allemagne, la Pologne et encore l'Allemagne. Il est mort au camp de Sachsenhausen. "Je cherche toujours la lettre. Je suis allée partout, y compris en Allemagne. De longues journées de recherches... Mais ça ne m'apporte rien. Je crois que je mourrai en la cherchant. Pourquoi je la cherche ? Je ne sais pas. Elle a été tapée à la machine, et dans mes proches, il y avait quelqu'un qui avait une machine à écrire et qui s'en est débarrassé à ce moment là. J'ai de grandes présomptions, mais je ne peux accuser, je ne peux que penser".

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Claude Pasturel : "J'ai vu prier des gens qui croyaient au ciel, et d'autres qui n'y croyaient pas"

Claude Pasturel a 92 ans. Adolescent, il a vécu les bombardements de Périers, notamment le 8 juin 1944. "La majorité des gens étaient restés, malgré les tracts envoyés par l'aviation alliée. J'habitais à l'époque à cinquante mètre du carrefour central. A 8h30, le boucher en face s'écrie : "C'est pour nous". Et à ce moment là, ça a été effrayant, un fracas terrible", résume le nonagénaire. Un spectacle de désolation. "Les murs tanguaient. On a eu une odeur ocre. La poussière voilait le soleil. On était perdus", se souvient Claude Pasturel. Les premiers soins aux victimes sont donnés par des bénévoles, des infirmiers... "Le vicaire de la paroisse, l'abbé Tollemer, est arrivé. J'ai vu prier des gens qui croyaient au ciel, et d'autres qui n'y croyaient pas". "La frayeur... J'ai eu la frayeur constante pendant deux mois. J'ai eu le malheur de subir plusieurs bombardements, dont un fin juin à Saint-Aubin-du-Perron. J'ai été très marqué par tous ces bombardements : mes parents, en juillet 44, avaient demandé de dire une messe pour moi car ils avaient peur que je sois atteint psychiquement. J'ai eu des cauchemars pendant très longtemps. ce qui m'effrayait, c'était le clair de lune sur des ruines". Et de conclure : "Il n'y a rien qui soit meilleur que la paix. Je suis effrayé de voir aujourd'hui les menaces qu'on a. On ne peut rien souhaiter d'autre que de vivre en paix. Il faut profiter de tous les beaux moments. Rien ne vaut le calme, la paix et la sérénité".

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Valérie Gautier-Cardin et Charline Mariginier : "J'ai l'impression de recevoir mon tonton ou mon papy d'Amérique"

Valérie Gautier-Cardin est la présidente de l'association Retour des vétérans en Normandie. Une association créée en 2012 après "un engrenage de choses", explique-t-elle. En 1992, Valérie habite Créances, elle a 14 ans. Ses parents l'envoient poster du courrier et rencontre un homme "de l'âge de mes grands-parents". "On s'est regardé pendant cinq minutes. Et en sortant, il me dit avec un accent : "je parle un petit peu français mais en 44, beaucoup calvados", sourit la présidente de l'association. Il est venu avec deux autres Américains chez mes parents ; c'était un parachutiste qui a sauté sur Sainte-Mère-Eglise le 6 juin 1944. Il est revenu avec d'autres vétérans dès l'année suivante. *Cette année, l'association continue d'accueillir ces soldats : "on est à sept vétérans à temps complet, deux à temps partiel. C'est un voyage éprouvant pour eux". Entre la nourriture, les voyages, etc. ça représente un budget de 70.000 euros pour l'association.

Parmi les bénévoles qui vont loger un vétéran, Charline Marignier, de La Haye. "Notre vétéran s'appelle Otis Brannon, il a combattu dans le Pacifique. On va aller le chercher à Paris le 31 mai. On l'a déjà accueilli l'an dernier avec grand bonheur. Il repart le 11 juin. En fait, tout s'est fait via la fille de Valérie, que mon mari a en cours d'anglais. ça nous a paru naturel. C'est une jolie histoire. L'an dernier, c'était une semaine riche en émotions. Otis fait partie de la famille : au fur et à mesure que je prépare, j'ai l'impression de recevoir mon tonton, mon papy... Je pense à lui, à son petit-fils Jason qui l'accompagne".

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David Bruneau, Léa Desprez et leurs élèves du collège Etenclin : "Rencontrer des témoins permet d'incarner l'histoire"

Parmi les lieux privilégiés de la transmission de cette mémoire, il y a l'école. Pendant cette Recontre DDay, Deux professeurs d'histoire-géographie David Bruneau et Léa Desprez ont présenté le projet qu'ils mènent avec des élèves de troisième du collège Etenclin de La Haye. "Il est né d'un appel à projets du conseil départemental de la Manche, dans le cadre du 80e anniversaire du Débarquement. C'est un travail interdisciplinaire : histoire-géo, français et arts plastiques. On a travaillé sur les civils : on a voulu profiter de la proximité de la maison de retraite La Résidence du donjon. On a eu deux témoignages. Et on a accueilli huit témoins du secteur qui sont venus au collège", explique David Bruneau. Ces témoins avaient entre cinq et 22 ans à l'époque de la Libération. "C'est une façon d'incarner l'histoire. Il n'y a rien de mieux que d'avoir des contacts avec des témoins directs. On fait aussi un travail d'historien, car on peut croiser avec des archives", ajoute le professeur. "Dès qu'on peut, on se saisit de sujets pour travailler ensemble. ça donne plus de sens à l'apprentissage. Les élèves ont travaillé en arts plastiques pour produire des photos paysages. En français, ils ont travaillé sur la biographie. Et en histoire, ils ont été apprentis historiens", confie Léa Desprez, professeur. "C'est bien parce que c'est des témoignages locaux. On a fait des visites. ça semblait un peu irréel ces témoignages car c'est si choquant. Les témoignages et les archives nous ont permis de comprendre. ça donne une nouvelle lecture de l'actualité également", souligne Chloé, une élève. Une exposition doit être réalisée pour le mois de juin à la médiathèque de La Haye.

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Témoignages, images d'archives, éclairages historiques... Cette Rencontre DDay a été aussi l'occasion de parler d'un projet porté par des collégiens haytillons
Témoignages, images d'archives, éclairages historiques... Cette Rencontre DDay a été aussi l'occasion de parler d'un projet porté par des collégiens haytillons © Radio France - Lucie Thuillet

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