CHEIKH BOUNAMA KOUNTA : VIE ET ŒUVRE D’UN SAINT HOMME ! (Par Ibrahima DIAKHATÉ Makama) - DakarMedias.com -L'info en temps réel
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CHEIKH BOUNAMA KOUNTA : VIE ET ŒUVRE D’UN SAINT HOMME ! (Par Ibrahima DIAKHATÉ Makama)

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Samedi 11 mai dernier, la communauté khadrya et les populations de Sédhiou ont célèbré dans une grande ferveur le Gamou annuel de Kountacounda. Au menu de cette activité religieuse : lectures de Coran, ziarras, prières, recueillements, veillée religieuse, Biniboo… Occasion choisie pour revisiter la vie et l’œuvre de Cheikh Bounama KOUNTA, précurseur de la Tarikha khadriya à Sédhiou.

NAISSANCE ET ASCENDANCE

Ckeikh Bounama KOUNTA fut un guide religieux qui s’établit à Sédhiou jusqu’à sa mort le 11 novembre 1981. Descendant de la confrérie khadriya qu’il propagea en Moyenne Casamance, est-il fils du guide religieux Cheikh Al Bécaye KOUNTA et de Aissatou DIAKHATÉ. S’il est admis dans le cercle familial qu’il naquit en 1909, tout de même, de source officielle – en référence à son passeport – est-il clairement établi qu’il est né en 1912.
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SUR LES TRACES DU SAINT HOMME
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Si l’on se fie à des sources concordantes, il foula le sol de la Casamance en 1939. Car, l’année de sa venue coïncida avec le déclenchement de la seconde Guerre Mondiale. Sa première famille d’accueil fut Cissokhocounda à Mansacounda. Le jeune marabout de trente ans fut vite remarqué par les populations et surtout par les gens du quartier par les témoignages élogieux à son compte qui fusaient de toutes parts et se propageaient de maison en maison ! Après ce premier séjour dans la maison des Cissokho (Karécounda), il se rendit à Marsassoum incognito. (…) Dans le quartier, on remarqua vite son absence. Des notables de Sédhiou tels Karamo KONATÉ, Alphousseyni SANÉ, Bacar SIDIBÉ – entre autres -, partirent le chercher du côté du Diassing après plusieurs alertes d’érudits qui voyaient en lui un grand waliou que Sédhiou perdrait s’il quittât à jamais !
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Les démarches pour le faire revenir aboutirent au grand plaisir des fidèles de plus en plus nombreux. Dès son retour, il sera accueilli par la fratrie « Sané » à Kabeumb, Kekouta SANÉ et son grand frère qui s’activait dans la fendaison et la vente de rôniers. L’accueil se passa dans la ferveur et un grand enthousiasme du fait que l’un des frères SANÉ fut un talibé du père de Cheikh Bounama KOUNTA. Aussi, ajoute-t-on à Kabeumb, les beaux-parents de Kékouta SANÉ, du côté de Marsassoum, avaient-ils désigné comme point de chute du marabout, la maison de leur fille du nom de Maïmouna SAGNA connue sous le diminutif de Maïna (mère de Chine SANÉ).

C’est seulement au cours de son second séjour à Sédhiou qu’il trouvera son propre domaine (actuelle résidence kountacounda) acquis suite à un don, semble-t-il, de la part de la famille BADJI qui avait en main la chefferie traditionnelle dans le 4e quartier de Sédhiou. Cette cession de terrain se justifia, pour certains, par le fait que la femme de Cheikh Bounama KOUNTA -du nom de Fatou TRAORÉ- fut une bonne amie de Yebe BADJI, membre influent de la famille BADJI.
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Malheureusement, il n’a pas eu de descendance. Mais, il avait adopté des enfants devenus imams et/ou chefs de famille tels Idrissa TRAORÉ, Karamoo SANÉ (marabout résident à Silinki) ou Ibrahima Kounta TRAORÉ (plus proche parmi les fils putatifs). D’ailleurs, du fait qu’il ne touchait pas les billets de banques et autres monnaies d’échange, les chargeait-il d’opérations financières et autres commissions.
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UN WALIOU AUTEUR DE MIRACLES

Cheikh Bounama KOUNTA fut un érudit qui sortit de l’ordinaire. Sa mère, elle-même, sollicitait ses prières du fait des choses étranges qu’elle voyait en lui.

D’après certains témoignages concordants, il fut un grand homme de Dieu et du rang des Waliou, grade dans la hiérarchisation de la proximité avec Dieu. Une pléthore de récits -à porter crédit ou à mettre sur le compte d’une pure subjectivité- sur son compte lui créditent moults miracles. La raison : il réussissait souvent à mettre le désordre dans l’ordre de la nature. Au plan physique, cet homme de Dieu qui était moyen presque en tout –taille, poids, teint–, pouvait être tantôt de teint clair tantôt noir, mais d’une noirceur qui brillait d’un vif éclat. D’autres, dans son entourage, qui étaient dans l’imprudence d’entrer dans sa chambre sans toquer, pouvaient, assure-t-on, le trouver suspendu en l’air avec un vide d’au moins d’un demi mètre à un mètre, entre son corps et le tabouret sur lequel il s’asseyait. Même ses cheveux faisaient des miracles. Pour cette raison, des habitants de la maison guettaient les moments pendant lesquels il se rasait pour subtiliser quelques cheveux à échanger contre de bons billets de banque. Ce sésame qui poussait sur la tête sainte de l’érudit servait à fertiliser les champs. « Si tu réussis à avoir, ne serait-ce qu’un seul cheveu de Cheikh Bounama KOUNTA, si tu l’enfouies sous le sol de ton champ, tu auras la meilleure récolte !», me confia, mordicus, un vieux de Sédhiou, avant de conclure : « il n’y a pas meilleur fertilisant que quelque chose relevant de ce waliou ! Même un tout petit morceau de son habit produit des miracles ! ». Un autre témoignage raconte encore à Kabeumb qu’un vieux de retour d’une inspection de son troupeau, sis à Kounaya, avait failli être renversé par un véhicule de marque 404. Grande fut sa surprise de se retrouver sur le capot de la guimbarde. La seconde qui suivit, il remarqua que ce fut le marabout Kounta qui lui était venu en aide en le soulevant et le posant sur le véhicule à l’arrêt et…miraculeusement ! La scène lui parut surréaliste. Pour en avoir le cœur net, dès qu’il arriva à Sédhiou, il piqua directement à Kountacounda voir le marabout pour lui relater la scène miraculeuse. Le marabout lui affirma que ce fut lui qui était venu en aide pour lui éviter d’être écrasé par la voiture 404 mbaar en furie. La même scène se reproduisit si l’on en croit un de ses chauffeurs qui me confia qu’au « retour d’un ramassage de céréales qui appartenaient au marabout », il faillit « percuter en pleine nuit noire un tronc d’arbre tombé sur la route à cause d’une bourrasque». « En un clin d’œil, c’est comme si on avait soulevé le véhicule pourtant bien chargé de sacs de maïs et de mil et déposé après l’obstacle ! ». Arrivé à la résidence du marabout, il le trouva sous la véranda. Avant que le chauffeur n’ouvrît la bouche, le saint homme dit dans un sourire qui laissait apparaitre ses dents blanches : « rien ne saurait vous arriver ! j’ai veillé sur vous tout le long du trajet !». Ce à quoi il pensait se confirma.

Également, le marabout aurait laissé des miracles vivants : d’après certains récits, Balla Moussa DAFFÉ en est l’incarnation la plus achevée. On relate encore que la maman du maire honoraire de Sédhiou, maman Kounta DAMBA, grosse de quelques mois, avait été bénie par le saint homme qui venait d’arriver à Sédhiou il y a quelques temps seulement. Il lui assura que le petit qui allait naitre de son avènement allait être un évènement majeur pour Sédhiou. Que le nom de Sédhiou et celui de l’enfant serait intimement liés. La suite tout le monde la connait !

Aussi, réalisait-il des miracles avec les malades mentaux qu’il soignait avec succès. Pour ce mobile, les malades mentaux étaient convoyés de toutes parts et étaient internés dans l’actuel maison de Ibrahima Kounta TRAORÉ, devenu trop exiguë. Le nombre de plus grand de malades fait que Traorécounda (de Boubacar et de Aliou TRAORÉ) qui jouxte celle de Ibrahima Kounta fut mise à contribution pour recevoir le trop plein de malades.

Ibou DIALLO, semble-t-il, faisait partie de ceux qui avaient les faveurs des miracles de l’érudit. Pour preuves : Mamadou DIA faisait remarquer à Ibou DIALLO « si tu parles, personne ne réagit en vue de te contredire !». À la suite, il fit une requête : « Franchement, entre Al pulaar, dis-moi ton secret ». Ibou DIALLO lui confia, paraît-il : « c’est le marabout de Sédhiou qui est passé par-là ! ».

On conte encore que l’un des maires de Dakar du nom de Amadou SALL lui fit la même remarque. En réalité, tous -dans l’attelage gouvernemental- finirent par remarquer cette particularité. Les raisons à chercher dans les faveurs du marabout qui résidait à Sédhiou finirent par atterrir au palais. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles qu’il fut reçu par le président de la République d’alors en 1979, par une facilitation d’un autre Al pular, Djibo Leyti KA, qui fut directeur de cabinet de Senghor.
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RÉGIME ALIMENTAIRE DU SAINT HOMME

Comme tout bon « naar », le défunt khalife aimait le zirick (solution lactée), aussi et surtout de prendre du thé le matin. La particularité, c’est qu’il détenait une tasse spéciale dans laquelle il fallait y verser jusqu’à ras. Toutefois, il n’aimait pas le sucre, encore moins le sel ! Pour le déjeuner, il préférait du « mbakhalou naar» à la viande et du « thiébou dieune ». Pour le diner, c’est encore et toujours de la soupe à la viande. Son cuisinier Malamine CISSÉ de Bakoum s’en acquittait avec engagement et dévouement au grand bonheur du guide religieux qui se faisait servir tous les jours du pain par son mitron attitré, le vieux SANGARÉ, père de Baba SANGARÉ.

Ce qui est remarquable, c’est qu’après les longues gorgées d’eau qui suivaient son déjeuner, il ne buvait plus ! C’est pourquoi, le pot d’eau dans la main droite, le couvercle sur celle de gauche, il prenait un long temps pour ingurgiter deux litres d’eau. Cette habitude aiguisait la curiosité des talibés. L’autre curiosité qui se dégageait de son alimentation en eau, c’est qu’après s’être désaltéré après le déjeuner, il ne buvait encore que le lendemain.
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FREQUENTATIONS DU MARABOUT

Le saint homme s’était fait établir un passeport mais ne sortit jamais du pays. Il n’accomplit pas le pèlerinage à la Mecque. Également, il devrait se rendre au Portugal. Toutefois, il n’eut pas pu honorer l’invitation de certains fidèles. Le marabout était casanier : il ne sortait presque jamais, du moins, pas pendant le jour. Car, certaines nuits, des noctambules téméraires pouvaient l’apercevoir, chapelet à la main, faisant des rondes de prières aux encablures de la maison ; jamais au-delà. La seule fois qu’il sortit et fut aperçu par les populations et très nerveux, c’est lors des évènements politiques opposant des tendances rivales occasionnant la mise à feu de la maison de Pa Moussa DANSO. Beaucoup affirment encore l’avoir aperçu en plein jour loin de sa résidence, très remonté.

S’il ne sortait quasiment pas, il recevait tout de même des visites de proches collatéraux venus de Ndiaassane. Astou KOUNTA, sa sœur, Cheikh Basse plus connu sous le nom de Cheikh Casamance (du fait du constat fait par son entourage de son amour pour la Casamance et son ancrage à Sédhiou), Karamo Bou Bécaye, Cheikh Bounama Ibn Cheikh bou Bécaye (très jeune, un khafiz qui avait fait ses humanités en Algérie). Amdy Cherif KOUNTA, qui est le mari de Didi TAMBA, est parmi ses proches le plus fréquent à Sédhiou. Les deux derniers présidaient, sous ses injonctions, les prières d’Aïd, prières qui se faisaient entre Tambacounda et Badjicounda, sous le tabocoto.

Parmi les sédhiouois, ceux qu’il recevait le plus furent Sankoung SANÉ (s’il vint à Sédhiou), imam Ibrahima BÂ son voisin, Massiré DAFFÉ, Diola MANÉ, karamo KONATÉ, Papa SANÉ alkalo, Alphouseyni SANÉ, Bacar SIDIBÉ…
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DISPARITION ET POSTERITE

C’est, exactement, à 1 heure, dans la nuit du 10 au 11 novembre de l’année 1981 que le saint homme rendit l’âme. La même nuit, ce fut décidé (selon ses dernières volontés pour certains, pour des raisons financières pour d’autres) qu’il fût inhumé à Ndiaassane. Le 11 novembre 1981, il fut acheminé dès les premières heures du jour à Ndiassane et l’enterrement eut lieu après la prière de 17h.

Sidy Moctar KEITA-qui fut directeur du PRS et talibé khadre- facilita le transfert des restes mortels en mettant à disposition un véhicule du projet qu’il dirigeait. D’illustres personnalités confrériques au Sénégal avaient assisté à son inhumation dont Abdoul Aziz SY Dabakh pour les tijanes, Nassirou NIASSE pour les Niassènes.., Cheikh Sidi Yahya khalif avait prononcé l’oraison funèbre.

Le défunt maire, Moussa KANTÉ, qui était présent fit une requête en vue d’assurer la permanence du khalifat à Sédhiou par la succession du défunt saint homme. Le khalife rassura Moussa KANTÉ : « Après je vous enverrai un autre. Mais, ne vous bercez pas d’illusions car personne ne sera comme lui ».

Cheikh Bounama KOUNTA, parait-il, avait demandé aux sédhiouois, avant sa disparition, de faire un sacrifice s’ils veulent assurer le décollage économique et social de Sédhiou. Si l’on en croit à certaines indiscrétions, le sacrifice n’eut pas été fait jusque-là. Il s’agirait d’un taureau blanc qui devrait être égorgé, préparé et mangé sur place. Le sang qui giclerait alimenterait les djinns qui assureraient l’opulence dans toute la contrée. Si pour certains le sacrifice en question avait été fait par l’un de ses successeurs, toutefois, pour d’autres, il n’eut pas été fait à l’endroit indiqué : après avoir décompté neuf mètres après le dernier caïlcédrat, égorger sur le dixième mètre en bordure du fleuve et laisser le sang descendre vers le fleuve.

Ibrahima DIAKHATÉ Makama, extrait d’un projet de publication : VING FIGURES HISTORIQUES DE SEDHIOU.

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