Les Boys de la Compagnie C : Passeport pour l’enfer

Sidney J. Furie est de ces réalisateurs qui n’ont jamais vraiment eu la reconnaissance des grandes institutions en dépit d’une carrière florissante. Il faudra attendre l’arrivée de vrais passionnés qui ont une parole avec un poids significatif pour que le public redécouvre son cinéma, en l’occurrence Quentin Tarantino pour ne pas le citer. Rares sont les films qui traitent des traumatismes des soldats américains envoyés au Vietnam avec frontalité. Outre Apocalypse Now, le travail de Oliver Stone sur Platoon ou encore Né un 4 Juillet et celui de Stanley Kubrick sur Full Metal Jacket, il est difficile de trouver rapidement des exemples de chefs d’œuvres similaires. Pourtant, avant les films susmentionnés, Sidney J. Furie l’avait déjà fait en 1978 avec Les Boys de la Compagnie C. Le film est (encore aujourd’hui) mal vendu et bénéficie d’une image fausse par rapport à ce qu’il est. En effet, sur la toile, ce qu’on peut lire à son égard laisse supposer que le film est une comédie légère. Détrompez-vous, Les Boys de la Compagnie C flirte nettement plus du côté de Full Metal Jacket que de la 7ème Compagnie et il était temps qu’un éditeur le réhabilite à sa juste valeur. Le film ressort chez Rimini dans une copie restaurée de toute beauté, de quoi le (re)découvrir dans des conditions optimales.

1967. Cinq jeunes Marines, engagés volontaires, intègrent un camp militaire où ils seront formés avant d’être envoyés au Vietnam. Ils découvrent alors l’horreur de la guerre doublée d’une plongée en enfer à laquelle personne ne les avait préparés.

Difficile de ne pas penser que Stanley Kubrick n’ait jamais eu connaissance de ce film tant les similitudes frappent aux yeux, notamment dans la première partie du film. Les Boys de la Compagnie C montre l’enrôlement des soldats que l’on va former à devenir des machines de guerre. On va leur apprendre l’esprit de camaraderie, mais surtout de ne faire preuve d’aucune pitié. Si le ton employé ici est moins radical que chez Kubrick (qui, quant à lui, optera pour l’expression d’un lavage de cerveau en bonne et due forme) on dénotera la présence dans les deux films de R. Lee Ermey en tant que sergent instructeur. Kubrick s’est forcément inspiré de la première partie des Boys de la Compagnie C. La seconde partie du film a forcément pesé sur les influences des réalisateurs qui se sont essayés aux films sur la guerre du Vietnam. Le film envoie les troupes en mission dans la campagne retirée du pays. Nous sommes loin des grandes villes ou de la jungle sous la pluie comme beaucoup de cinéastes le dépeindront par la suite, Sidney J. Furie opte pour une approche moins hostile des éléments. L’horreur de la guerre, il la dirige dans les dialogues, dans les ordres que les supérieurs assènent aux soldats. Certaines séquences osent mettre en avant toute l’absurdité de cette guerre dans laquelle beaucoup de jeunes soldats ont perdu pied car ils ne comprenaient clairement pas pourquoi ils se trouvaient au front. Une guerre, par essence, est quelque chose d’immonde, mais celle du Vietnam est probablement celle qui a créé le plus de traumatismes chez les jeunes américains. Les Boys de la Compagnie C ne cache rien des incongruités de cette guerre et ose dénoncer toute la cupidité d’un pays. Pari couillu quand on sait que le film est sorti officiellement trois ans après la fin de cette stupide guerre.

Les Boys de la Compagnie C dénonce les horreurs de la guerre du Vietnam moins par son esthétique que par ses dialogues, ce qui permet à Furie de palier à un manque flagrant de moyens. Malgré tout, le film offre certaines scènes spectaculaires et marquantes comme la séquence dans laquelle les soldats décident de prendre les hauts commandements à leur propre jeu. Après un assaut bidon sur un village abandonné, les soldats décident de demander l’appui d’une frappe aérienne sur une colline soit-disant envahie par l’ennemi. Sauf que la colline est vide. Il ne s’agit que d’une simple vengeance des soldats afin de dépenser l’argent du contribuable. Les soldats s’amusent à admirer les assauts aériens en se baignant nus dans des sources d’eau. Le film renferme quelques séquences simples et bon enfant comme celle-ci et a été vendu en partie sur ces séquences. Sauf qu’elles ne reflètent jamais l’état d’esprit ni le fond des propos du film. Justement, ces moments permettent à la fois au spectateur et aux personnages de s’offrir un moment de respiration, de retrouver un tant soit peu d’humanité en plein enfer. Certaines séquences sont d’une dureté âpre. Nul besoin de verser dans les effusions de sang pour traumatiser. On en veut pour preuve l’assaut des soldats dans un village qui ne tombent que sur des paysans. S’ensuit une partie de base-ball, dans laquelle la guerre n’existe plus, avec à la clé la promesse des officiers de laisser vivre ces gens innocents. La tension retombe juste avant que les officiers supérieurs ne faillissent à leur parole dès lors que les soldats ont quitté le village. C’est en manipulant nos nerfs de la sorte, combiné à un casting d’acteurs investis, que Les Boys de la Compagnie C mérite sa place au panthéon des meilleurs films sur la guerre du Vietnam. Certaines séquences sont brinquebalantes et le film est une série B qui ne plaira pas à tout le monde, nous en convenons, mais le spectacle est suffisamment qualitatif pour compléter les mastodontes du genre.

Les Boys de la Compagnie C est un film qu’il faut absolument (re)découvrir non seulement pour son discours radical, mais aussi pour l’influence majeure qu’il a eu sur divers autres films du genre. Rimini propose le film dans une copie optimale rendant l’achat indispensable.

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