Défense : comment l'enjeu de souveraineté a influencé le rachat de Codechamp

Depuis les années 1970, Codechamp fabrique des codeurs optiques de pointe destinés aux véhicules militaires et civils aussi bien sur terre que dans les airs. L'entreprise d'une quarantaine de salariés est surveillée de près : elle a été rachetée par un fonds d'investissement français pour encore innover sur ses composants stratégiques dans une démarche de souveraineté.
Corinne Monmaneix et Alexandre Finkelstein président respectivement Codechamp et le groupe Semip-Codechamp.
Corinne Monmaneix et Alexandre Finkelstein président respectivement Codechamp et le groupe Semip-Codechamp. (Crédits : MG / La Tribune)

Les pépites françaises attirent les convoitises par-delà les frontières. Même depuis sa campagne tranquille de la Creuse, Codechamp en fait l'observation. Le fabricant de codeurs optiques de précision a été racheté en 2023 par le fonds français Eiréné, détenu par Weinberg Capital Partners et axé sur l'investissement dans les entreprises de taille moyenne et intermédiaire du secteur de la défense. Mais dès 2021, le groupe qu'il forme avec Semip avait été approché par une société aérospatiale américaine puis par deux industriels.

« Ce n'était pas naturel pour un industriel comme nous de se tourner vers un fonds d'investissement. Mais cela nous permet de rester dans le giron français et pour une PME qui travaille avec les grands noms de la défense, c'est montrer que le sujet de la souveraineté est important. Nous garantissons une souveraineté nationale pour les grands comptes de la défense», raconte à La Tribune Alexandre Finkelstein, président du groupe Semip-Codechamp depuis janvier.

Des formule 1 aux satellites

Une opération loin d'être anodine pour un groupe qui trouve ses origines dans les années 1970 et resté familial depuis. Dans un contexte de guerre en Ukraine et de tensions internationales, l'État, via la Direction générale de l'armement, pousse pour que les PME et ETI tricolores du secteur de la défense ne tombent pas dans le giron étranger. Et surveille en particulier les pépites comme Semip-Codechamp, identifiée comme entreprise stratégique, très innovantes mais en quête de moyens financiers pour le rester.

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Le rachat n'est pas le fruit du contexte international mais du départ en retraite du fondateur, Serge Finkelstein, qui dirigeait l'entreprise partagée entre la Creuse pour Codechamp et le Val d'Oise pour Semip. Deux noms devenus référence dans la conception et la fabrication de codeurs optiques, des composants embarqués qui mesurent la position et le mouvement d'un véhicule à l'échelle du micron. « Notre composant va déterminer la précision finale de l'ensemble d'un système », explique le dirigeant. Le groupe a ainsi équipé la sonde spatiale Rosetta, des satellites, une formule 1, les chars blindés Leclerc ou les avions Rafale.

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L'entreprise est capable de miniaturiser son codeur pour répondre à différents domaines d'application. (crédit photos : MG / La Tribune)

Airbus, Thales Alenia Space, Safran ou MBDA comptent parmi les principaux clients du fabricant. « Les grands groupes ont beaucoup évolué mais ils ont un peu perdu leurs savoir-faire stratégiques qui sont plutôt dans les mains de PME », souligne Corinne Monmaneix, présidente de Codechamp, qui fabrique 4 à 5.000 codeurs optiques par an pour environ 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, à 70 % issu de la défense et pour moitié réalisé à l'export.

Nouvelle technologie à venir

Une reconnaissance issue de la culture de la précision véhiculée dans l'entreprise. Les ateliers de fabrication reposent en majorité sur des tâches manuelles millimétrées. « C'est de l'assemblage de précision. On a automatisé pas mal de pôles mais on fait de la petite série donc le travail manuel est nécessaire. C'est la différence entre le codeur optique industriel et le codeur optique de haute précision », détaille Corinne Monmaneix en naviguant dans les travées des ateliers.

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Les codeurs rassemblent trois spécialités : la mécanique, l'électronique et l'optique.

Codechamp a aussi la force de disposer d'un bureau d'études de douze personnes capable aussi bien de miniaturiser les petits cylindres de haute technologie que de proposer des nouveaux systèmes. L'entreprise s'apprête ainsi à sortir un tout nouveau codeur non plus basé sur l'optique mais sur le magnétisme. « On a décidé de se tourner vers deux nouvelles technologies pour s'ouvrir les portes d'autres secteurs comme le New Space, la robotique industrielle et le médical », vise Alexandre Finkelstein. De quoi lui permettre de se démarquer. « Nous sommes un groupe de culture technique qui a toujours fait le pari de l'innovation. C'est cette approche qui nous a donné une longueur d'avance sur nos concurrents », opine-t-il.

Pour autant, le groupe ne s'attend pas à une explosion des commandes malgré la persistance de la guerre en Ukraine et les discours sur l'économie de guerre, puisque si la stratégie tend davantage vers la masse que vers la précision. Mais le fonds Eirené, nouveau propriétaire du groupe, attend bien une augmentation des résultats, avec une multiplication attendue entre 1,5 et 2 du chiffre d'affaires. Et puis, à terme, une nouvelle entrée au capital puisque l'objectif consiste à accompagner les entreprises durant une phase de développement durant en moyenne trois à six ans.

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Commentaire 1
à écrit le 17/05/2024 à 9:19
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Et vous imaginez si on avait les 728 milliards de dollars américains d'investissement annuel militaire , Ben vous seriez une multinationale... ^^

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