Pourquoi la peine de mort n'a-t-elle pas été abolie en 1908 ?

Pourquoi la peine de mort n'a-t-elle pas été abolie en 1908 ?

Pourquoi la peine de mort n'a-t-elle pas été abolie en 1908 ? ©Getty - John Foxx
Pourquoi la peine de mort n'a-t-elle pas été abolie en 1908 ? ©Getty - John Foxx
Pourquoi la peine de mort n'a-t-elle pas été abolie en 1908 ? ©Getty - John Foxx
Publicité

Pourquoi le projet de loi prévoyant l'abolition de la peine capitale a-t-il été rejeté en 1908 ? Comment le contexte social, médiatique et politique de l'époque peut-il expliquer cet échec ?

Le 3 juillet 1908, le gouvernement dirigé par Georges Clemenceau soumit aux députés un projet de loi prévoyant l'abolition de la peine capitale. Mais ce projet fut finalement rejeté par 330 voix contre 201.

Clemenceau, "briseur de grèves"

Pour comprendre les raisons de ce refus, il faut rappeler le contexte social, médiatique et politique de l'époque. La France était alors secouée par une grande vague de grèves ouvrières qui atteignit son paroxysme en 1906, avec plus de 430 000 grévistes. Les conflits, qui pouvaient durer plusieurs mois, étaient aussi souvent très violents. Clemenceau assura alors sa réputation de "briseur de grèves" en arrêtant les responsables de la CGT et en faisant tirer sur les ouvriers terrassiers de Draveil-Vigneux (en juin-juillet 1908). Six d'entre eux perdirent la vie. Clemenceau réprima aussi par la force le mouvement du Midi viticole en faisant intervenir la troupe et en arrêtant ses leaders.

Publicité

Alors que l’on discutait de l’abolition de la peine de mort à l'Assemblée, la présence de l'armée dans les rues des cités en grève alimenta fortement le sentiment d'insécurité au sein d'une bourgeoisie qui craignait le danger « révolutionnaire ». Mais à gauche non plus, l'abolition de la peine de mort ne faisait pas l'unanimité. Certains y voyaient une diversion pour éviter de prendre des mesures en faveur du prolétariat. "On va peut-être épargner la vie de quelques criminels, mais pendant ce temps, nos ouvriers continueront à mourir sous les balles des forces de l'ordre et dans les accidents du travail".

C'était à la une
4 min

Le crime de d'Albert Soleilland

L'autre facteur essentiel qui explique l'échec du projet d'abolition de la peine de mort concerne la place de plus en plus grande faite aux récits de faits divers dans la grande presse. Le crime de Soleilland marqua un tournant dans le débat sur le sujet, car il provoqua un retournement de l’opinion et donc un revirement chez les députés qui avaient été, jusque-là, partisans de l’abolition.

Le 27 janvier 1907, Albert Soleilland, un petit bourgeois déclassé - employé chez un marchand de meubles du XIe arrondissement de Paris - assassina après l'avoir violée la fillette de ses voisins et amis, âgée de onze ans. Albert Soleilland fut condamné par la cour d’assises de la Seine à la peine capitale le 24 juillet 1907. Mais il fut gracié par Armand Fallières, le président de la République. Cette décision provoqua de nombreuses protestations, orchestrées par la presse populaire.

Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties
58 min

Référendum du Petit Parisien sur le maintien de la peine de mort

Après avoir multiplié les articles relayant les critiques contre la grâce présidentielle de Soleilland, le Petit Parisien décida de consulter ses lecteurs. Comme les sondages d'opinion n'avaient pas encore été inventés, les journalistes optèrent pour l'organisation d'un référendum sur le maintien ou non de la peine de mort, en affirmant explicitement vouloir faire pression sur le vote des députés.

Le résultat fut édifiant puisque le 5 novembre 1907, le Petit Parisien annonça qu'il avait reçu plus d'un million de bulletins "Oui" contre moins de 330 000 bulletins "Non". L’année suivante - malgré les discours d'Aristide Briand, le Garde des Sceaux, et de Jean Jaurès - les députés, largement influencés par cette campagne d’opinion, votèrent le maintien de la peine capitale.

Bibliographie :

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, philosophie >>>  Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.

À écouter aussi dans  Le Cours de l'histoire

L'équipe