Nouvelle-Calédonie : quand Chine, Russie et Azerbaïdjan manoeuvrent pour déstabiliser l'archipel | Les Echos
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Nouvelle-Calédonie : quand Chine, Russie et Azerbaïdjan manoeuvrent pour déstabiliser l'archipel

Pékin, Moscou et surtout Bakou se sont rapprochés, pour divers motifs, des indépendantistes kanaks.

Après qu'un supermarché a été pillé et des magasins vandalisés dans le quartier de N'Gea, à Nouméa, le 14 mai 2024.
Après qu'un supermarché a été pillé et des magasins vandalisés dans le quartier de N'Gea, à Nouméa, le 14 mai 2024. (Delphine Mayeur/AFP)

Par Ulysse Legavre-Jérôme

Publié le 16 mai 2024 à 18:00Mis à jour le 17 mai 2024 à 19:06

Dans l'ombre, à 14.000 km de Nouméa, l'Azerbaïdjan tente de faire payer le soutien de Paris à l'Arménie . Cette ancienne République soviétique est accusée par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin « d'ingérence » en Nouvelle-Calédonie, alors que l'archipel est en proie à des émeutes inédites depuis 1988.

Ce dernier a assuré ce jeudi matin sur France 2 que l'implication de ce pays du Caucase à Nouméa n'était pas un « fantasme mais une réalité ». Ajoutant qu'« une partie des indépendantistes calédoniens a fait un deal avec l'Azerbaïdjan », sans donner davantage de précisions. La diplomatie azerbaïdjanaise dénonce des accusations « infondées ».

Des drapeaux azéris dans les manifestations

L'Azerbaïdjan a en effet pris fait et cause pour le mouvement indépendantiste kanak via le Groupe d'initiative de Bakou (GIB) qui a été créé le 6 juillet 2023. Ce groupe de réflexion et d'influence affiche, parmi ses objectifs principaux, de « soutenir le combat contre le colonialisme et le néocolonialisme français ». Le GIB se rend depuis plusieurs semaines dans les manifestations contre le dégel du corps électoral et de nombreux manifestants portent fièrement des drapeaux azéris quand d'autres portent des t-shirts avec le logo du GIB.

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C'est aussi sur les réseaux sociaux que l'Azerbaïdjan mène son combat antifrançais, comme sur X où le GIB a publié un communiqué pour exprimer « sa pleine solidarité au peuple kanak ». Surtout, il fait porter la responsabilité des violences dans l'archipel à l'Etat français, le « soi-disant pays des droits de l'homme » qui « refuse le doit à l'autodétermination des peuples maintenus sous sa tutelle ».

Un pas supplémentaire a été franchi le 18 avril dernier. Une élue du Congrès de Nouvelle-Calédonie (le parlement local), Omayra Naisseline, s'est rendue à Bakou à la tête d'une délégation pour signer un mémorandum établissant des relations bilatérales entre l'archipel et le Parlement azéri. Gérald Darmanin avait déjà fait part de son irritation, dénonçant devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale « une ingérence extrêmement néfaste ».

La Russie surfe sur le sentiment anti-français

Le pays pro-russe n'est pas le seul à scruter la Nouvelle-Calédonie et à profiter des tensions actuelles pour gagner en influence dans l'archipel. « Des régimes autoritaires comme la Russie, l'Azerbaïdjan, mais aussi la Chine saisissent la moindre faille dans nos sociétés pour polariser le débat public et pour créer le chaos », a dénoncé à cet égard l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, qui a présidé une commission du Parlement européen sur les ingérences étrangères, sur Public Sénat.

Le soutien de la Russie à la cause kanak n'est pas nouveau. De la même manière qu'elle le fait en Afrique subsaharienne, Moscou surfe sur le sentiment anti-français. Des banderoles pro-Vladimir Poutine, avec des messages explicites comme « président Poutine, libère nos colonies », ont été aperçues lors des manifestations indépendantistes ces dernières semaines.

L'empire du Milieu lorgne le nickel

La Chine, elle, convoite les gigantesques mines de nickel et tente d'étendre son influence en se rapprochant des indépendantistes depuis quelques années. Ce minerai, dont l'archipel détient de 20 à 30 % des ressources mondiales, est indispensable au développement des nouvelles technologies, notamment des voitures électriques. Une association sino-calédonienne est dirigée par deux anciens directeurs de cabinet du président indépendantiste du Congrès, Roch Wamytan.

Lors de son dernier déplacement dans l'archipel du Pacifique, en juillet 2023, Emmanuel Macron a pourtant prévenu sans ménagement qu'une indépendance livrerait l'archipel du Pacifique aux ambitions grandissantes de la Chine dans la région. « Si l'indépendance c'est de choisir demain d'avoir une base chinoise ici […] bon courage, ça ne s'appelle pas l'indépendance ! » avait-il lancé.

Ulysse Legavre-Jérôme

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