QUANTIQUE, VOUS AVEZ DIT QUANTIQUE ?
Plus discrète que certaines plateformes concurrentes, Apple TV+ ne manque pas d’arguments pour autant, surtout au rayon des séries de science-fiction. For All Mankind, Foundation, Silo, Severance… ne sont que quelques exemples parmi d’autres de cette tendance, et avec Dark Matter, une nouvelle pierre vient s’ajouter à l’édifice. Comme chaque fois, ou presque, la promesse de départ est on ne peut plus séduisante. Ici, elle est estampillée Blake Crouch, dont l’imaginaire littéraire a déjà inspiré le petit écran (Wayward Pines, produite par M. Night Shyamalan).
On fait ainsi la rencontre de Jason Dessen (Joel Edgerton), professeur de physique à Chicago, menant une vie tranquille avec son épouse, Daniela (Jennifer Connelly), et leur fils Charlie. Une nuit, l’enseignant est agressé par un individu masqué, et se réveille dans une autre réalité, aux prises avec un laboratoire secret qui le tient pour l’inventeur d’une boîte servant de portail multidimensionnel. Avec Amanda (Alice Braga), une psychiatre affectée au projet, Jason se fraye un chemin à l’intérieur de la machine en espérant pouvoir regagner son monde, perdu au milieu d’une infinité d’univers parallèles.
Ça, c’est du Rubik’s Cube de compétition !
L’ambition a beau être énorme, on est bien loin des élucubrations gaguesques et gargantuesques des films Marvel. Ici, on ne décode pas le multivers sur fond d’humour décadent ou d’exploits super-héroïques, mais au prix d’épreuves considérables et de désillusions incessantes. Surtout, il y a ce vertige propre à tout grand récit de science-fiction où l’intime et le cosmique semblent s’aligner pour ne faire qu’un. C’est notamment la très belle idée qui consiste à faire de cette fameuse boîte la chambre d’écho des états d’âme des personnages.
Ce n’est évidemment pas un hasard si Dark Matter exploite l’expérience du chat de Schrödinger comme socle théorique à son histoire. Au fond, le dispositif et le paradoxe qui lui est associé restent identiques : tant que la boîte demeure fermée, le cobaye à l’intérieur est à la fois mort et vivant, ces deux possibilités coexistant simultanément. Ce concept de juxtaposition donne lieu à quelques visions saisissantes (ce corridor infini, digne de la bibliothèque « astronomique » d’Interstellar), mais aussi à une confusion souvent propice au suspense (les différentes versions de Jason qui se télescopent en fin de saison).
Avec un peu de chance, vous trouverez un monde à votre goût
Le revers de la médaille se situe, hélas, dans cette propension à multiplier les arcs narratifs, au risque de gonfler artificiellement l’intrigue principale (certains personnages font quasiment office de remplissage, on pense notamment à cette détective qui vient passer une tête de temps en temps). D’où une impression de flottement et de déséquilibre qui nuit par instants à la fluidité du récit. Heureusement, la série finit toujours par retrouver son centre de gravité et sait rebondir de plus belle en misant sur des révélations bien senties.
Seuil maximum d’alchimie atteint !
MA FAMILLE D’ABORD
Allergiques à la physique quantique, rassurez-vous, Dark Matter nous épargne les formules savantes à rallonge, et reste avant tout chevillée au destin de ses personnages. Un ancrage dans le réel qui évite à la série de se complaire dans des réflexions philosophiques un peu obscures ou de risquer l’aventure purement abstraite et métaphysique. Cela pourrait bien sûr être porté au discrédit de la série et témoigner d’une certaine frilosité à l’égard des concepts qu’elle cherche à explorer, mais c’est cette veine émotionnelle concrète qui nous sert constamment de boussole et maintient notre intérêt.
Et il faut rendre grâce à Joel Edgerton, aussi producteur exécutif ici, qui apporte beaucoup de véracité à cette histoire abracadabrante sur le papier. Blake Crouch ne tarissait pas d’éloges à son sujet dans une interview donnée à Screen Rant : « Il a cette aura de Monsieur-tout-le-monde tout en ayant une palette de jeu incroyable. […] avec Joel, on pouvait faire un véritable drame humain […] il a rendu possible ce tour de passe-passe consistant à vous montrer que toutes les versions de Jason correspondent à la même entité avec de très légères déviations […] ».
Un peu à la manière d’un Kurt Russell au zénith de sa carrière, l’acteur est à la fois parfait pour incarner l’homme d’action et le citoyen moyen, deux facettes qui tiraillent constamment son personnage et interrogent par la même occasion les notions de choix et de regrets, au cœur de la série. Dès lors que Jason doit prendre des décisions définitives, accepter de sacrifier telle ou telle perspective (la très belle séquence dans le monde idéal d’Amanda), l’émotion nous cueille aussitôt par surprise.
C’est ce mélange d’espoir et de cruauté qui fait au fond le sel de Dark Matter, quand bien même tout n’est pas traité avec une égale intensité (on peine un peu par exemple à ressentir l’absence tragique de cet enfant mort-né pour le héros et sa famille). En tout cas, on aurait tort de bouder notre plaisir, d’autant que la série soigne tout particulièrement son dénouement. Les deux derniers épisodes réussissent en effet l’exploit d’être sous tension de manière quasi-permanente tout en laissant le temps aux personnages de réaliser le chemin parcouru.
Les deux premiers épisodes sont disponibles depuis le 8 mai 2024 sur Apple TV+. Un nouvel épisode diffusé chaque vendredi
Mais c’est tellement vu revu et rerevu …. Je me suis ennuyé très très foit devant les premiers épisodes. Ce héros qui mets deux épisodes à comprendre , oui c’est « réaliste », mais qu’est ce que c’est long.
Après 3 épisodes, je regarderai sûrement la suite mais je trouve ça lent. Les scènes avec J.Edgerton et Connelli sont étirées sans raison.
Peu d’informations sur le fonctionnement de la boîte, on reste uniquement sur qq personnages sans que la focale ne s’éloigne pour nous donner une vue plus large (politique économique social).
Je vais faire confiance aux autres commentaires et attendre la suite mais pour l’instant déçue
@CInégood, tu as raison aussi, et je rajouterais que vu le genre de cette série qui tire vers le high concept, elle se prête aux théories, la diffusion d’1 épisode/semaine est plutôt justifier pour laisser aux spectateurs de parler entre eux
Tiens donc, merci de m’apprendre l’existence de cette série je vais me pencher dessus, en espérant que ça soit un peu mieux que la dernière purge que j’ai vu avec Jennifer Connely (oui toi Snowpiercer qui avait un grand potentiel complètement gaché au fil des saisons)
Bon si c’est bien j’espère qu’il faudra pas comme Severance attendre une décennie avec la suite par contre…
Un par semaine, c’est peut-être de l’anti-binge, oui, mais c’est pas de l’anti-mode consommation.
Comme tu le dis, le procédé alimente les discussions chaque semaine (« oh la la tu as vu cette fin de malaaaaaade ») et il permet à certains médias de remplir des cases d’actu hebdomadaires à pas cher : coucou Ecran Large et les séries Marvel / Disney. Et t’inquiètes pas que si la série est bien naze (comme au bas mot 80% de la production actuelle), elle sera jetée et oubliée aussi vite qu’une série sortie d’une traite et binge-watchée.
Je précise que j’ai rien contre ce mode de sortie, mais faut pas croire que c’est pour la beauté du geste ou le confort des utilisateurs. Il n’y a absolument rien qui oblige à binger une série quand on a tous les épisodes à dispo. D’ailleurs quand elles sont vraiment quali (Twin Peaks, The Wire, Leftovers, Succession, Six Feet Under, etc…) on ne le fait pas. Pas de chliffanger à la con, un épisode qui boucle déjà qqch à lui seul et on déjà très bien nourri. Ce qui, pour revenir au sujet, n’est évidemment pas le cas de Dark Matter.