Centrale de Civaux et nucléaire militaire – Déclaration au CSE EDF R&D du 17 mai 2024

Lundi 18 mars, le ministre des armées a annoncé qu’EDF avait été saisie par l’État pour que le centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Civaux irradie des matériaux servant à la production de bombes thermonucléaires. Nous demandons à ce que les salariées d’EDF aient leur mot à dire sur cette brusque remise en cause de la séparation entre industries nucléaires civile et militaire.

Pour ce qui est de la technique, la communication d’EDF est assez détaillée : au sein des assemblages combustibles d’un réacteur, il existe des tubes-guides accueillant des crayons absorbants. C’est dans des tubes-guides vides que seraient insérées des grappes contenant du lithium à l’occasion des rechargements, puis déchargées en piscine au cycle suivant. Et la communication d’EDF vient avec son lot de certitudes : ce procédé ne modifierait pas la puissance de production de Civaux, et n’aurait aucun impact sanitaire, alors qu’il revient à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de statuer sur ce point. Surtout qu’à l’heure actuelle, la CNPE de Civaux est déjà contrainte concernant des rejets « naturels » de tritium, élément justement convoité par ce nouveau « service d’irradiation » de lithium.

Pour ce qui est de la politique, le communiqué officiel d’EDF est un peu moins loquace, et évite totalement le champ lexical militaire. Cette dissimulation volontaire a certainement pour but de mieux faire passer la pilule, mais en réalité la communication de la direction entame la confiance des salariées et du public. Car une fois irradiées, ces grappes seront transférées vers un site du CEA afin de produire du tritium, un gaz rare indispensable aux armes thermonucléaires. Pour rappel, la France possède environ 300 armes nucléaires, dont des thermonucléaires, chacune étant 20 fois plus puissante que les bombes états-uniennes ayant détruit Hiroshima et Nagasaki, et provoquant la mort d’environ 200 000 personnes. Qu’en est-il alors du Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires signé par la France ? En joignant ainsi le nucléaire civil au militaire, la France incite les autres pays à en faire de même, notamment les pays hôtes des CNPE d’EDF.

Enfin, en ce qui concerne l’organisation, le flou règne : les deux réacteurs de Civaux resteraient soumis au régime des installations nucléaires civiles. Ainsi, ce projet sera sous le contrôle de l’ASN (par ailleurs en proie à une réorganisation interne). En revanche, il n’est pas encore clair si l’activité sera Secret Défense, ce qui pourrait aller à l’encontre des règles de transparence en matière de sûreté nucléaire. Et les salariées d’EDF concernées par ce processus militaire mériteraient alors les conditions de travail associés, comme le régime de retraite militaire. Par ailleurs, il est dit d’un côté qu’EDF a été “saisie par l’État” pour ce projet, et de l’autre, qu’une « convention va être signée (…) dans le respect des règles de gouvernance d’EDF ». Enfin, il est pudiquement précisé qu’il n’est pas “prévu” d’étendre cette “activité complémentaire” à d’autres réacteurs du parc, sans aucune garantie permettant de le croire.

Une fois de plus, après la participation d’EDF au projet NEOM en Arabie Saoudite, cette contribution d’EDF à l’armement nucléaire fait honte à bon nombre de salariées. En effet, beaucoup sont attachées au service public rendu par EDF, à sa participation annoncée à la transition énergétique écologique et solidaire, qualificatifs peu appropriés aux armes thermonucléaires. Quelle est l’autonomie de la direction d’EDF vis-à-vis de l’État pour ce projet ? Était-ce une des raisons pour lesquelles l’État a racheté toutes les parts d’EDF ?

Dans tous les cas, SUD-Énergie demande que ce projet soit abandonné et que le malaise crée chez les salarié⋅es soit entendu.

La délégation SUD-Énergie

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