En direct du 77e Festival de Cannes, avec Claire Simon, Emanuel Pârvu et Louise Courvoisier

En direct du 77e Festival de Cannes, avec Claire Simon, Emanuel Pârvu et Louise Courvoisier

"Apprendre", de Claire Simon - Condor Distribution
"Apprendre", de Claire Simon - Condor Distribution
"Apprendre", de Claire Simon - Condor Distribution
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Une jeunesse sous le soleil, ce samedi dans Plan large, en direct du 77e Festival de Cannes, avec Claire Simon pour "Apprendre", Emanuel Pârvu pour "Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde", Louise Courvoisier pour "Vingt Dieux", et aussi Roberto Minervini, et encore N.T. Binh.

Avec
  • Claire Simon Cinéaste
  • Roberto Minervini Cinéaste
  • Emanuel Pârvu cinéaste
  • Louise Courvoisier cinéaste
  • N.T. Binh Journaliste, critique, enseignant de cinéma (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Un "Plan Large" qui rassemble trois générations de cinéastes, de la plus chevronnée à la toute débutante. Trois genres de sélection cannoise aussi, de la Compétition et Un Certain Regard à la plus détendue, mais non moins éminente Séance Spéciale. Trois regards surtout que réunissent une vraie tendresse, sans mièvrerie, dans la façon solaire de filmer leurs personnages, et la façon dont leurs corps et leurs paroles les inscrivent dans des espaces qui leur sont propres.

"Apprendre", de Claire Simon (présenté en Séance spéciale)

La première est retournée à l’école, 32 ans avec ses premiers pas, non comme enfant, mais caméra en main, ça s’appelait  Récréations. Cette fois, il s’agit d’ Apprendre, beau titre polysémique de ce nouveau documentaire de Claire Simon. Avec ce film, "j’ai eu l’impression de filmer la civilisation en train de se faire ; les professeurs comme des civilisateurs et les enfants dans leur désir d’apprendre… J’étais partie pour filmer les enfants entre eux, pendant la récréation à l’école élémentaire, celle où on apprend à obéir, où on apprend les règles de la société, où on apprend à compter, à lire, et puis j’ai glissé tout doucement, j’ai eu envie de filmer les rapports entre les enfants et les adultes, et je suis montée dans les classes… J’avais peur que la classe ne se raconte pas. Or c’est une dramaturgie formidable : j’arrivais à être proche des enfants et à montrer ce qui les émouvait, comment ils pensaient, leur désir de réussir, leur accablement quand ils se trompaient... J’ai tourné dans une école élémentaire tout ce qu’il y a plus normale, républicaine, française, à Ivry, où les enfants apprennent à penser et à dire ce qu’ils pensent, que ce soit en récréation ou en classe, et ça m’a passionné. J’étais surprise tout le temps, à chaque seconde. [...] C’est important de montrer que la République a créé quelque chose pour que les enfants apprennent un langage, apprennent tout pour devenir des citoyens et des êtres humains plutôt pas mal ! "

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La cinéaste a aussi une autre excellente raison d’être à Cannes aujourd’hui puisqu'elle est, avec  Notre Corps dans la catégorie documentaire, l'une des trois lauréates 2024 des Prix Cinéma des Etudiants France Culture (avec la cinéaste italienne Alice Rohrwacher pour La Chimère dans la catégorie fiction et la russe Marusya Syroechkovskaya avec How To Save A Dead Friend dans la catégorie Coup de cœur ACID-France Culture).

Plan large
58 min

"Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde", de Emanuel Pârvu (présenté en Compétition)

Le second est roumain, ses deux premiers longs métrages, Meda ou Le moins bon côté des choses et Mikado étaient sortis en France directement sur plateformes, ce qui n’a pas empêché le troisième d’être en compétition pour la Palme d’or, et donc de trouver bientôt le chemin des salles françaises. Il porte le beau titre de  Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, et explore, au-delà de son sujet, l’homophobie dans un village perdu de Roumanie, les mécanismes mêmes de la corruption, les petits arrangements, les transactions, toute une société à partir d'un microcosme. Son auteur, Emanuel Pârvu, est également avec nous pour évoquer cette nouvelle pépite roumaine. "Je voulais tourner dans ce village dans le delta du Danube, parce que c'est très éloigné, très isolé, on ne peut pas y accéder en voiture, mais uniquement en bateau. Neuf mois par ans, c'est comme si on vivait au siècle dernier, mais pendant les trois mois d'été, c'est vraiment un endroit cool, hipster sur la côte de la mer Noire. Il fallait précisément tourner cet aspect-là. L'idée était de filmer en plans larges, en contraste avec les esprits, très étroits."

"Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde", d'Emanuel Pârvu
"Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde", d'Emanuel Pârvu
- Memento Distribution

"Vingt Dieux", de Louise Courvoisier (présenté en sélection Un Certain Regard)

La troisième est une jeune pousse jurassienne, Louise Courvoisier, qui dans son territoire d’enfance a tourné un très beau film d’apprentissage, au vigoureux nom de  Vingt Dieux. Un premier film, entre le western et l’art d’en faire tout un fromage, qui concourt à Cannes pour la Caméra d’or. "J'avais envie pour mon premier film de parler des gens avec lesquels j’ai grandi, de cette jeunesse rurale qu’on ne voit pas souvent. C’est pour ça que c’était important pour moi de tourner avec des comédiens non professionnels de la région, pour qu’il y ait une vraie rencontre avec le spectateur. […] Le but était de faire de ce territoire un paysage de cinéma : tout était tourné autour de lui, que ce soit l’histoire, les personnages, les accents, les acteurs…. Tout est très inscrit. L’idée était de les montrer avec quelque chose de très brut, et de très esthétique aussi. Mon court métrage précédent portait sur l'univers du cirque. J’aime filmer les corps, je trouve que ça en dit long, particulièrement avec les acteurs de ce film, qui ont une corporéité très intéressante. C’est aussi comme ça que je vois la ruralité, que j’ai observé les gens autour de moi : il y a chez eux une certaine pudeur émotionnelle, une manière d’être parfois un peu renfermés sur ses sentiments et les choses s’expriment autrement, le corps fait partie de leur langage."

"Vingt Dieux", de Louise Courvoisier
"Vingt Dieux", de Louise Courvoisier
- Pyramide Distribution

A noter : Vingt Dieux sortira en salles en France le 11 décembre 2024.

Journal du cinéma :

Les Damnés, Roberto Minervini (Un Certain Regard)

Nous avons encore découvert un beau film, un western à sa façon. Il s’appelle  Les Damnés, il est signé Roberto Minervini. Un cinéaste italien, mais qui vit et travaille depuis des années aux États-Unis. On lui doit des documentaires exceptionnels, qui ont montré les marges de l’Amérique, au Texas et en Louisiane, dont les deux derniers,  The Other Side et  What You Gonna Do When the World’s on Fire ?. Pour sa première fiction, il a poussé encore un peu plus loin son auscultation de l’Amérique, en figurant une patrouille perdue dans les immensités encore non cartographiées du Montana pendant la Guerre de Sécession. Une façon, encore une fois, de sonder l’âme de l’Amérique, d’hier comme d’aujourd’hui. "J’ai utilisé certains de mes documentaires pour prendre la température, explique le cinéaste, comme un baromètre de ce qui était en train de se passer en Amérique [...] Tout ce qui a culminé avec le 6 janvier 2020, avec la prise du Capitole. Alors maintenant, je regarde en arrière. C’est comme si j’en étais arrivé à un moment où je sentais la nécessité de comprendre où nous en sommes arrivés et pourquoi. Et donc de retourner en arrière, de trouver des parallèles avec aujourd’hui". Avec ce film, "j'ai voulu raconter un moment où, dans les marges de la Guerre de Sécession, dans les territoires pas encore incorporées à l’Amérique, des soldats inexpérimentés regardent ce qui se passe autour d’eux, et cherchent à y donner un sens. Ce qui est un peu ce que font les Américains d’aujourd’hui…"

"Les Damnés", Roberto Minervini
"Les Damnés", Roberto Minervini
- Les Films du Losange

La chronique N.T. Binh : Les 100 ans de la Columbia, dans la section Cannes Classics

Y a-t-il plus iconique que cette scène où, dans sa robe noire, Rita Hayworth chante tout en retirant langoureusement son long gant tout aussi noir ? C’est en tout cas  Gilda de Charles Vidor, qui a été choisi, à Cannes Classics, pour fêter les 100 ans de la Columbia. Sans doute parce que Rita Hayworth était une des rares stars d’un studio qui trouvait trop dispendieux d’entretenir une écurie d’actrices et acteurs, vu le sens aigu de l’économie et la poigne de fer de son patron à Hollywood, Harry Cohn. Ce qui n’a pas empêché la major de produire nombre de chefs-d'œuvre du cinéma, ceux de Frank Capra en premier chef, mais aussi quelques pépites du film noir, du Nouvel Hollywood et encore aujourd’hui, sous la houlette de Sony. "Le mot 'sérialité', souligne N.T.Binh, est très important dans l’histoire de la Columbia, qui a inventé en quelque sorte la série, non pas tant au sens de 'feuilleton' ou d’'épisodes de série', que de genre dans le genre, c’est-à-dire qu’à partir du moment où un genre de film marche, que ce soit la comédie musicale, la comédie loufoque ou sophistiquée, du remariage, les comédies sociales à la Frank Capra, on fait confiance à ce filon jusqu’à ce qu’il soit épuisé. Et les stars font partie de ce système, Rita Hayworth en premier lieu, qui va être propulsée au firmament, puis remplacée par Kim Novak dans les années cinquante. […] Aujourd’hui, la Columbia est japonaise, elle appartient depuis plusieurs décennies à Sony.[…] C’est un studio qui n’a cessé de s’effondrer pour se réinventer jusqu’aux blockbusters, d’abord de Sam Spiegel dans les années 60, puis jusqu’aux séries, à nouveau : les Spiderman, les James Bond, qui continuent à être des franchises qui assurent pour longtemps, semble-t-il, sa prospérité et sa longévité."

"Gilda", de Charles Vidor
"Gilda", de Charles Vidor
- Park Circus France

À lire aussi : le dossier consacré à Michel Ciment dans le dernier numéro de  Positif et  Michel Ciment. Le cinéma en partage. Entretiens avec N.T. Binh, qui vient d'être réédité en format poche aux éditions Rivages.

Les annonces de Plan Large

C’est toujours frustrant pour vous qui nous écoutez d’entendre parler de films alors que vous devrez parfois attendre de longs mois avant de les découvrir sur grand écran. Sachez tout de même que la semaine prochaine,  du vendredi 26 au dimanche 28 mai, une douzaine de films de la sélection officielle du festival de Cannes seront proposés dans cinq cinémas Pathé, à Paris, Rennes, Nantes et Toulouse et Lyon.

Et pour patienter,  on vous signale un grand honneur fait à Plan Large, celui de choisir 50 films dans le très riche catalogue de LaCinetek, la cinémathèque en ligne des cinéastes.  Une liste d’habitude confiée à des cinéastes, justement, et qui est aussi celle de 50 Plan Large diffusés depuis 2017, et que vous pourrez écouter et réécouter comme des notes de bas de pages aux films que vous découvrirez. Et puis en ce moment  sur LaCinetek, il y a aussi les géniales Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, dans ce qu’il a fait de plus beau dans toute sa carrière. Et n’oubliez pas que pour gagner des abonnements d’un an à la plateforme, c’est sur le site  Instagram de France Culture.

Extraits sonores

  • Mix des trois films lauréats du Prix Cinéma des Etudiants France Culture 2024 : La Chimère d’Alice Rohrwacher, How To Save A Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya, et Notre Corps de Claire Simon
  • Extrait d'Apprendre de Claire Simon (2024)
  • Extrait de Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde d’Emanuel Pârvu (2024)
  • Extrait de Vingt Dieux de Louise Courvoisier (2024)
  • Kisses Sweeter Than Wine par Jimmy Rodgers
  • Extrait des Damnés de Roberto Minervini (2024)
  • Put the Blame On Mame par Anita Ellis, dans Gilda de Charles Vidor (1946)
  • Amado Mio par Anita Ellis, dans Gilda de Charles Vidor (1946)

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