Tram B entre La Riche, Tours et Chambray : on s’obstine ou on s’arrête ?

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Ce lundi 13 mai, la Métropole de Tours a adopté une délibération qui valide le projet de construction d’une deuxième ligne de tramway entre La Riche et Chambray-lès-Tours. Une étape de plus avant l’enquête publique prévue à la rentrée, puis la déclaration d’utilité publique espérée pour début 2025 et qui permettrait officiellement le lancement des travaux. Le problème c’est que le sujet est loin de faire consensus. Un long débat d’une heure et demi l’a prouvé. Alors est-ce que l’agglomération a raison d’y aller, ou est-ce qu’elle s’acharne sur un chantier voué à l’échec ?

Depuis 2017 Tours Métropole est engagée dans le projet de développement d’une deuxième ligne de tram. Dans les tous premiers discours, on nous parlait d’une inauguration en 2023, ou en 2024. Le début des travaux n’étant pas programmé avant le 1er juillet 2025, il y aura indéniablement un énorme retard. Un délai dû à des études extrêmement longues, et une difficulté à s’accorder sur le tracé qui fera finalement 12,5km entre La Riche et Chambray-lès-Tours via le quartier des Casernes, la Place de Strasbourg, le Boulevard Jean Royer, Verdun, les Fontaines, Grandmont et le CHU Trousseau (l’option d’un passage par le Boulevard Béranger de Tours a été abandonnée pour préserver ses arbres).

La mise en service de ce tram B est désormais programmée à la fin de l’année 2028. Comme l’a précisé le vice-président de l’agglo chargé des mobilités, 35 000 passagers sont espérés sur les jours de semaine (soit lundi-vendredi), contre 65 000 sur la ligne A reliant Joué-lès-Tours et Tours-Nord.

D’après les informations données par Emmanuel Denis, ces voyageuses et voyageurs seront transportés d’un terminus à l’autre en 40 minutes avec des passages du tram toutes les 7 minutes aux heures de pointe, 8 minutes en heure creuse, donc une fréquence identique à la première ligne. Pour cela, 19 rames de 42m seront acquises, un matériel similaire à celui qui existe déjà. Capacité maximale : 300 personnes en simultané.

« Nous allons donner un nouveau visage à la Métropole avec ce tramway » a plaidé l’élu écologiste qui rappelle que le projet permettra aussi le déploiement d’une ligne de bus à haut niveau de service vers St-Pierre-des-Corps avec l’aménagement de 5km supplémentaires où les transports en commun seront prioritaires. Le sujet a ses défenseurs, comme la Larichoise Armelle Audin qui espère par exemple que cela apportera un vrai plus aux habitants du quartier politique de la ville de sa commune. « Cela nous permet de repenser toute notre ville » a-t-elle estimé.

Même l’élu communiste de St-Pierre-des-Corps Michel Soulas, très déçu de ne pas avoir un tram chez lui, a voté pour. « C’est un jour historique »a noté pour sa part le maire de Chambray Christian Gatard, relevant « les milliers d’heures de débats » sur le sujet depuis ses prémices. « Qui peut contester le succès de la première ligne ? » relève enfin l’élu de Tours Thibault Coulon, qui souhaite ostensiblement la même chose pour la seconde malgré des réticences personnelles sur les plans envisagés.

Ces opinions positives sont guidées par des arguments écologiques (un tram c’est moins de voitures sur les routes) ou urbanistiques (la ville est repensée, plus pratique, plus attractive). Des arguments qui cachent un gros malaise. Ils ne sont pas contestés par les opposants… mais ne sont pas jugés suffisants pour justifier de se lancer dans ce processus à une heure où l’inflation galope et où les collectivités locales ont du mal à boucler leur budget.

Du coup on se retrouve avec des propos comme « je ne suis pas contre le tram, mais contre ce tracé qui est une aberration économique et écologique » dixit l’élue d’opposition de Tours Marion Nicolay-Cabanne, affirmant par exemple que 13 500 à 22 500 arbres et arbustes seront coupés et non compensés par les travaux. Autre élue tourangelle, Mélanie Fortier est également en conflit dans sa tête :

« On estime que pour qu’un tram soit rentable c’est au moins 45 000 passagers par jour. On est à 35 000. Depuis les premières études en 2018 on a perdu 10 000 personnes. Ce n’est pas rédhibitoire et on espère que ça évoluera vers le mieux car une nouvelle ligne de tram crée du flux mais il y a aussi le coût : on est passé de 350 à 500 millions d’€ soit 45 millions au kilomètre, contre 30 pour la moyenne française. Je me demande si cette ligne a la même légitimité. »

En clair, est-ce qu’on n’a pas mis trop de temps à se lancer et est-ce qu’il ne serait pas temps de renoncer pour ne pas perdre la face avec un projet raté ?

« A ce prix, quels autres projets structurants on aurait pu mener ? » interroge encore Mélanie Fortier. Également élu à Tours, Benoist Pierre ajoute qu’il craint encore un dérapage des coûts du projet bien au-delà des 500 millions. « Nous courrons après ce projet comme un graal mais aujourd’hui on peut tout juste le financer à budget constant. La contrepartie c’est de réduire les nouveaux équipements au moins jusqu’en 2031 » redoute pour sa part Romain Brutineau (Tours).

Un tram qui vampirise les budgets au point de bloquer le reste des investissements de la Métropole ? La crainte n’est pas isolée. « Il est encore venu le temps de revoir nos ambitions sur un schéma plus acceptable » plaide Romain Brutineau. Une hypothèse suggérée jusque dans le camp d’Emmanuel Denis où le socialiste Jean-Patrick Gille s’est inquiété de la possibilité d’amender la feuille de route du tram B après le vote de ce lundi, par exemple pour se passer du long chemin jusqu’au parking relais de la Papoterie situé en pleine forêt (sans doute près de 100 millions d’euros de moins à dépenser). Oui, ce sera possible, a répondu Emmanuel Denis. Mais ce n’est pas le plan.

Face à tout ce scepticisme, c’est le maire de Chambray qui est venu à la rescousse du chantier. Christian Gatard a relevé que l’Etat avait déplafonné le montant de la contribution mobilités que les intercommunalités peuvent exiger des entreprises. Celle de Tours Métropole étant au plafond, son relèvement « permettrait de financer le tram ». Sans autre impôt supplémentaire qu’une taxe accrue sur les entreprises, donc. Pas vraiment de quoi rassurer tout le monde car la progression de la fiscalité a aussi ses détracteurs, souvent les mêmes qui doutent du tram aujourd’hui.

Au final, la délibération a été votée. Une étape symbolique car ce n’est qu’après l’enquête publique que Tours Métropole devra voter pour un aller sans retour (oui ou non au tram B). Alors imaginerait-on un exécutif capable de renoncer à 7 ans d’études et de débats simplement pour ne pas perdre sa crédibilité ? Sûrement pas. Il y a pourtant de vraies questions qui sont soulevées. Et encore pas mal d’obstacles avant l’inauguration de cette ligne, notamment de très probables recours judiciaires.

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