Comment la France s'est réarmée sous le Front populaire

Comment la France s'est réarmée sous le Front populaire

Léon Blum, Président du Conseil de 1936 à 1938
Léon Blum, Président du Conseil de 1936 à 1938
Quand le Front populaire réarmait la France
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Comment la France s'est réarmée sous le Front populaire

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Après la défaite de 1940, le régime de Vichy accuse le gouvernement de Léon Blum de ne pas avoir préparé la France à la guerre. Une idée solidement ancrée, qui est pourtant bien loin de la réalité. Le Front populaire a bien relancé l'industrie de l'armement dès 1936.

Comment la France s’est préparée au réarmement dans les années 1930 ? Après la défaite de l’armée française en 1940 et la signature de l’armistice, on a beaucoup accusé  Léon Blum et le Front populaire d’être responsables de ce désastre en n’ayant pas suffisamment préparé la France.

Mais c’est faux, le Front populaire a bien participé activement au réarmement. Dès le début des années 1930, l'État-major français alerte le gouvernement que l’Allemagne a commencé à réarmer.

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La France est alors durement touchée par la crise économique de 1929 et a mis en place des politiques de déflation qui retardent la sortie de crise. Le Front populaire remporte les élections en mai 1936 avec un slogan pacifiste “Pain, paix, liberté”, ce qui fait craindre à l’État-major que le nouveau gouvernement ne prenne pas au sérieux la menace hitlérienne.

Mais Léon Blum et les socialistes vont au contraire faire preuve d’un grand pragmatisme.

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Une menace prise au sérieux très tôt

L'historien Max Schiavon rappelle que "dès que Blum arrive au pouvoir, début juin 1936, il reçoit le général Gamelin, le chef d’Etat-major général et il lui dit : 'Il ne faut pas que vous ayez des craintes, je suis bien conscient des dangers.' Et, recevant  le colonel de Gaulle, Blum lui déclare : 'On change d’avis quand on est plus dans l'opposition'.”

Pendant ce temps, les événements s’accélèrent de l’autre côté du Rhin :  Hitler a créé de nouvelles divisions armées, contrairement à ce que prévoyait le traité de Versailles. Ses troupes occupent désormais la rive gauche de la Ruhr et la Sarre.

Remettre en marche l'outil de production

Le compte à rebours est lancé. Côté français, le gouvernement du Front populaire suit la proposition de son ministre de la Défense,  Edouard Daladier. Le budget militaire est considérablement renforcé : 14 milliards de crédits sont d’abord votés, étalés sur quatre ans, ce qui dépasse même les propositions de l'Etat-major.

Il faut remettre en ordre tout l’appareil de production avec des machines-outils parfois obsolètes.

L’industrie de l’armement repose à cette époque essentiellement sur des petites entreprises familiales qui peuvent produire des prototypes de char, mais pas en quantité industrielle. Le gouvernement nationalise une partie de l’industrie de l’armement avec de grands groupes comme AMX (Ateliers de construction d’Issy-les-Moulineaux).

Le gouvernement lance aussi un grand emprunt de défense nationale. Si la marine est bien équipée, ce n’est pas le cas pour l’armée de terre et l’aviation où tout est à faire, notamment la construction de 1 500 avions de combat et de milliers de chars.

Et la France a un autre obstacle : une inflation galopante qui met en danger les budgets militaires votés.

"En 1936, il y a 7% d’inflation" explique Max Schiavon "mais il y a 25% d’inflation en 1937. Donc, vous voyez un budget de 10 milliards, ça devient un budget de 7,5 milliards."

L’annexion de l’Autriche par l'Allemagne en 1938 précipite encore les choses. Les Français savent désormais que la guerre est proche.

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Des commandes qui mettront des années à arriver

Le gouvernement va progressivement revenir sur les grands acquis du Front populaire, notamment sur la semaine de 40 heures.

"La France manque de spécialistes, même dans les arsenaux," rappelle Max Schiavon, "on n’arrive pas à recruter de mécaniciens, ajusteurs, de spécialistes nécessaires. Ce qu’on appelle la fin du Front populaire, c’est en fait que Daladier et son ministre des Finances Paul Reynaud vont assouplir les 40 heures, permettre aux gens de travailler 48 heures puis 50 heures. En 1940, on travaillera 60 heures par semaine dans les industries d’armement."

Parmi toutes les commandes passées en 1936-37, beaucoup n’arrivent pas à temps pour le début de l’offensive allemande et notamment des armes de défense contre les chars et l’aviation qui auraient été essentiels lors de la percée allemande.

"On commande entre 460 et 490 canons de 90 mm antiaériens pour tirer sur les bombardiers, il y en a 17 en service le jour où les Allemands attaquent. Donc malheureusement, on a réarmé trop tard", conclut l'historien.

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